Le Maréchal Jourdan
PROLOGUE
DE MEYRARGUES À LIMOGES
(1688-1771)
On ignore encore aujourd’hui d’où la famille du futur maréchal Jourdan est exactement originaire. Certainement de la Provence, car leur patronyme est fort commun dans cette province. De nos jours même, un certain nombre de Jourdan se vantent d’une parenté avec l’illustre personnage alors que ce n’est nullement le cas.
On a pu relever des documents concernant la famille Jourdan qui nous titéresse à partir de 1688, dans la petite ville de Meyrargues. Elle se situe en bordure de la Durance, à environ vingt kilomètres au nord d’Aix-en-Provence. D’où venait ce premier Jourdan ? On l’ignore. On n’a jamais trouvé aucun acte qui aurait permis de situer la bourgade d’où il était parti et ses descendants se sont toujours montrés discrets sur ce potit. Peut-être, au bout de deux générations, l’avaient-ils oublié eux-mêmes. Mais ce premier Jourdan était un homme ayant reçu une excellente instruction, car d’emblée il occupa dans la ville les fonctions de viguier. Ce magistrat, pouvant être plus ou moins assimilé de nos jours à un juge de paix avec, en supplément, certains pouvoirs de police, était amené parfois à faire régner l’ordre et à sanctionner les délinquants. Il dépendait en même temps du bailli et de l’titendant de province.
Si cette fonction était relativement importante, les appotitements, par contre, paraissaient plutôt minces, ce qui obligeait l’titéressé, surtout s’il avait charge de famille, à exercer en même temps une autre profession. Mais sa position sociale relativement élevée le forçait à choisir celle-ci avec discernement. Il est vrai que, bénéficiant d’appuis officiels et de renseignements parfois confidentiels, il était en position de réaliser quelques fructueuses opérations commerciales. Quoi qu’il en soit, si la famille Jourdan ne connut pas vraiment la fortune, elle vécut toujours dans une certaine aisance, tenant sans difficulté son rang parmi les magistrats de la cité.
On sait assez peu de chose sur le premier membre de la famille Jourdan, prénommé Joseph. Marié, il fut reçu et fréquenta de manière courante les magistrats de la ville, puisque l’un d’entre eux, conseiller du roi, accepta d’être le parrain d’une de ses filles. Cet arrière-grand-père du maréchal eut à Meyrargues deux autres enfants, des garçons. Ce fut le plus jeune, né en 1692, alors que ses parents étaient installés dans le bourg depuis quatre ans, qui deviendra le grand-père du maréchal.
Quoique la fonction de viguier que le titulaire entendait transmettre à un de ses enfants, car sous l’Ancien Régime une telle charge devenait facilement héréditaire, fût par principe destinée au fils aîné, ce fut précisément Jean-François, le plus jeune, qui allait l’exercer. Il s’en montra très fier car il ne manqua jamais, lorsqu’il apposait sa signature en bas d’un acte de la faire suivre du qualificatif : « viguier ». Ce fils, contrairement à la coutume qui voulait que dans la bourgeoisie on se mariât jeune, attendit d’avoir vingt-cinq ans avant de convoler, c’est-à-dire qu’il tenait d’abord à asseoir de manière solide sa situation. Au xviii e siècle, vingt-cinq ans passaient pour un âge déjà avancé et donnaient facilement des allures de vieux garçon. Il se maria en 1717 avec la fille d’un magistrat, Élisabeth Gauthier. Dès lors, leur destin était tracé. Ils demeureraient à Meyrargues. La période des guerres incessantes de Louis XIV était close et, sous le gouvernement de l’aimable Régent, une longue ère de paix semblait se dessiner.
Sa femme lui donna beaucoup d’enfants. Le nombre exact ne nous est pas parvenu mais ils furent neuf ou dix. La première fille naquit moins d’un an après le mariage, en 1718. Quatre autres, deux garçons et deux filles, suivirent rapidement mais, à une époque où la mortalité infantile faisait de terribles ravages, les Jourdan ne furent pas épargnés et les cinq disparurent, sans doute assez jeunes, car ils n’ont laissé aucune trace. La dernière des cinq était née en 1728. Moins d’un an plus tard, Élisabeth Jourdan donnait le jour à un nouveau garçon qui ouvrait une série de quatre.
Par chance, ou en raison de soins appropriés, ils allaient tous franchir sans difficulté le cap de la petite enfance. Ce furent dans l’ordre : Jean-François (on donnait facilement à un
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