Le Maréchal Jourdan
décision de son
neveu. Le chargeant de tous les défauts, l’ingratitude n’étant pas le
moindre, il le mit à la porte et ne devait jamais le lui pardonner.
II
COMMENT DE SOLDAT ON DEVIENT MERCIER
(1778-1791)
Un système assez original voulait, sous l’Ancien Régime, que
les recrues soient envoyées dans un camp d’entraînement pour s’y voir
inculquer les rudiments du métier de soldat avant d’être affectées à un régiment. Ce
fut le cas du jeune Jourdan qui fut dépêché à celui de l’île de Ré, où il fut
incorporé le 2 avril 1778. Pour le rejoindre, il avait dû traverser depuis
Lyon, et vraisemblablement à pied, la France dans toute sa largeur. À Ré, il suivit
d’abord l’école du soldat sans armes, puis fut initié au maniement de
celles-ci : le tir, l’exercice à la baïonnette ; et il apprit
les rudiments de la tactique comme l’art de se former en carré ou en colonnes
profondes, d’effectuer une mission d’éclairage ; et il fit
connaissance avec la discipline militaire qui voulait qu’un supérieur eût toujours
raison.
L’entraînement fut sévère pour un garçon de dix-sept ans, surtout
lorsqu’il fallait porter le lourd fusil de munition réglementaire et un sac pesant
plus de vingt kilos. Mais Jourdan parvtit à surmonter cette épreuve. Son instruction dura un
peu plus de huit mois, jusqu’en décembre, où il fut enfin désigné pour le régiment
d’infanterie d’Auxerrois. Cette unité était de formation récente puisque
sa création remontait seulement à 1776, en même temps que ceux de Neustrie, Forez, Royal
Auvergne, Viennois, Provence, Armagnac et Austrasie. En 1789, il deviendra le
12 e de ligne.
L’uniforme était fort seyant. L’habit blanc porté par toute
l’infanterie française se singularisait par des parements et des
revers noirs, un collet cramoisi et des boutons en argent. Les hommes portant la perruque
(enlevée en campagne) étaient coiffés d’un petit tricorne noir à retroussis frappé
de la cocarde blanche.
Le régiment s’était embarqué à Bordeaux en août 1777 et avait pris assez
rapidement part à des opérations, en particulier au siège et à la prise de la Dominique. Mais
Jourdan ne le rejoignit qu’au début de 1779, lorsqu’il reçut un renfort
de France dont le jeune homme faisait partie. En juillet, il participa au siège de Grenade. Les
nouveaux venus avaient encore beaucoup à apprendre et, selon toute vraisemblance, au cours de
cet investissement, pour ne pas trop les exposer, ils eurent davantage l’occasion de
manier la pelle et la pioche que de tirer des coups de fusil. Mais ils s’aguerrirent
vite. La place tomba rapidement et, moins de deux mois plus tard, le régiment prit part au
siège de Savannah.
Ce port situé au nord de la Géorgie, à la limite de la Caroline du Sud dont il
n’était séparé que par la rivière Savannah, présentait un titérêt à la fois
stratégique et économique considérable. Bien outillé, possédant des installations modernes pour
l’époque, il pouvait servir de potit d’appui à une escadre. De plus,
c’était là qu’était embarquée une grande partie de la production de coton
destinée aux manufactures européennes. Conscient de cette importance, le haut commandement
britannique y avait concentré, dès 1778, une importante garnison dotée d’une
artillerie puissante et bien servie.
Dès le 11 septembre 1779, un corps de siège français fut débarqué dans une
des nombreuses baies qui constituaient cette côte très découpée. La mise à terre des hommes et
du matériel s’opéra sans difficulté. Ils furent aussitôt renforcés par
d’importants contingents américains. Malheureusement, ceux-ci ignoraient tout de
cette forme particulière de guerre qu’est un siège et, en dehors
d’occupation de terrain et de quelques terrassements, ils se révélèrent de peu
d’utilité malgré toute la bonne volonté qu’ils y mirent. De plus, ils
étaient particulièrement pauvres en artillerie
Malgré ce handicap, les Français décidèrent de poursuivre l’opération. La tranchée
fut ouverte assez facilement dès la deuxième quinzaine de septembre, dans un sol plutôt meuble,
et les batteries d’approche ayant été édifiées, le bombardement commença. Mais
l’artillerie anglaise supérieure en nombre riposta avec succès, réussissant à
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