Le Maréchal Jourdan
garçon le même prénom que son père), le 27 octobre 1729 ; Joseph, le 8 février 1731 ; Laurent, le 6 avril 1732 et enfin Roch, dernier-né, au demeurant beaucoup plus tard que ses frères, le 17 août 1738. Il est à supposer qu’Élisabeth Jourdan, fatiguée par des couches trop rapprochées, avait demandé à son mari de faire preuve de modération. D’ailleurs, Roch semble avoir été le dernier de ses enfants.
Jean-François Jourdan, bien décidé à ce que l’un de ses quatre fils lui succédât dans sa charge, leur fit donner, sans doute sur place, une solide instruction. Toutefois, le destin, les événements et, en un sens, le goût des garçons, allaient en décider autrement, d’autant qu’avec la Révolution la fonction de viguier disparut comme bien d’autres.
L’aîné, Jean-François, ayant montré des dispositions pour le commerce, partit assez jeune pour Lyon et y réussit dans des conditions qui nous sont inconnues. Assez vite, il se retrouva (peut-être par son mariage) à la tête d’un magasin de soieries assez prospère. Le second, Joseph, quitta lui aussi Meyrargues et alla se fixer à Marseille. Il semblerait, pour autant que l’on puisse en juger, qu’il rompit rapidement tous liens avec sa famille. Peut-être s’embarqua-t-il pour aller chercher fortune au Proche-Orient, mais c’est assez peu probable, car on a trouvé trace de son mariage, et il eut même un fils qui fit carrière dans l’armée. Le troisième, Laurent, attiré par la vocation religieuse, entra dans les ordres. Son père ne semble pas avoir manifesté un enthousiasme excessif en constatant l’orientation de ce fils. Les goûts de Laurent étaient modestes. Grâce aux relations paternelles, il aurait pu briguer une charge de chanoine à l’archevêché d’Aix. Mais il n’en demandait pas tant. La petite cure du village de Beaurecueil, au pied de la montagne de la Satite-Victoire, convenait parfaitement à ses goûts. Ses proches crurent alors qu’il allait s’y enterrer et qu’on n’entendrait plus parler de lui. Aussi grande fut la stupéfaction de la famille lorsqu’elle apprit assez rapidement qu’outre la vocation de prêtre, il avait le goût de l’enseignement, qu’il avait ouvert une école où il recevait des élèves de toutes conditions sociales. D’ailleurs, il avait tendance à orienter ceux-ci vers la prêtrise. Soutenu par ses supérieurs, excellent professeur lui-même, l’abbé Jourdan et son école allaient rapidement connaître une renommée qui dépasserait le cadre de la province.
Curieusement, Jean-François Jourdan orienta le plus jeune de ses fils vers une profession radicalement différente de celle de ses trois aînés. Il décida de lui faire faire sa médecine. Mais, outre les études qui étaient longues et les frais de scolarité élevés, il fallait graisser la paume des membres du jury à chaque examen. Cette coutume portait le nom charmant de « massepain ». D’ailleurs, là, comme le népotisme jouait à plein, les fils de médecins étaient sérieusement avantagés par rapport à leurs camarades. Aussi, toute réflexion faite, Jean-François Jourdan aiguilla-t-il son fils vers la chirurgie. Celle-ci était alors considérée comme une branche mineure de la médecine. À l’origine, la profession était commune avec celle de barbier, et il était admis au xviii e siècle que les chirurgiens qui n’y réussissaient pas, retournaient exercer ce métier primitif. Cette espèce de symbiose allait durer longtemps, jusqu’à nos jours, où il en reste quelques traces. Les enseignes des coiffeurs, un cylindre sur lequel courent des bandes bleues et rouges, rappellent l’époque où les barbiers-chirurgiens faisaient sécher, en les enroulant, les linges tachés de sang utilisés pour éponger celui-ci lors des opérations.
Les études de chirurgien duraient tout de même six ans. Roch Jourdan suivit les siennes à Aix-en-Provence. Il n’en subsiste aucune trace, les registres de la faculté de médecine de l’époque ayant disparu. Sans doute fut-il un bon étudiant. En tous les cas, aussitôt après la fin de ses études, il acquit rapidement une certaine notoriété qui lui permit d’obtenir le grade supérieur de maître chirurgien, ce qui le mettait en vedette dans sa profession.
La chirurgie utilisait encore des méthodes de travail primitives : l’anesthésie, aussi bien que l’asepsie, étaient inconnues. Une opération était
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