Le Maréchal Jourdan
n’avait perdu
aucune bataille et s’était conformé strictement à ses ordres. C’était
exact. Mais il avait eu le tort, en septembre, de poursuivre une progression sans objet au lieu
de manoeuvrer pour se porter au secours de son camarade. Heureusement pour Jourdan, on
n’était plus à l’époque de la Convention où les généraux malheureux
devaient venir essayer de se justifier devant le tribunal révolutionnaire. Il fut
officiellement relevé de son commandement, le 9 septembre, et
remplacé par Beurnonville, le 23. C’était un des plus médiocres
généraux dont disposait la République, qui non seulement n’entreprit rien mais
laissa le désordre s’installer dans l’armée de Sambre et Meuse. Plein
d’illusions, le Directoire aurait voulu qu’il reprît
l’offensive pour soulager Moreau. Ce furent Kléber et surtout Bernadotte qui en
dissuadèrent Carnot. Ce fut donc le seul Moreau qui allait porter le poids d’une
nouvelle campagne pour 1797.
Se sentant tout de même mauvaise conscience, le gouvernement nomma Jourdan commandant en chef
de l’armée du Nord à titre provisoire, le 8 octobre. Mais celui-ci avait
quitté le théâtre des opérations depuis près de quinze jours. Il était retourné à Limoges,
s’était installé dans sa mercerie et avait une fois de plus accroché son uniforme de
général en chef dans sa vitrine. Refusant cette promotion de raccroc, il boudait ouvertement
les directeurs.
Seulement, sur place, sa popularité de général victorieux demeurait titacte auprès de ses
compatriotes. À leurs yeux, il restait le plus illustre enfant du pays. Ils allaient bientôt le
lui prouver. Cet état de fait qu’il découvrit avec ravissement et étonnement, et qui
ne fut pas pour rien dans son comportement vis-à-vis de Paris, le décida à changer son fusil
d’épaule. Il allait se lancer dans la politique.
1 -
Du même auteur, même éditeur : Le Général Moreau .
V
DÉBUTS EN POLITIQUE
(1797-1799)
Lorsqu’on a commandé en chef une armée de plus de cent mille hommes et que
l’on a remporté avec elle plusieurs grandes batailles, il peut paraître frustrant de
retourner derrière un comptoir dans une petite ville de province pour y vendre des boutons ou
des aiguilles à tricoter. Ce fut pourtant ce que fit Jourdan, se donnant ainsi la stature de
l’un de ces généraux romains qui élevaient l’abnégation à la valeur
d’une vertu. Il espérait bien que ses compatriotes auprès de qui sa popularité
demeurait immense ne l’abandonneraient pas à ce sort misérable et son calcul allait
se révéler juste. Certes, même si le Jacobinisme n’était plus de mode, il
n’avait rien renié de ses convictions alors qu’à Limoges la tendance
modérée était redevenue le Credo des autorités municipales et départementales. Mais les
citoyens ne s’arrêtèrent pas à de tels détails. Jourdan était devenu et demeurait
leur grand homme. Ils décidèrent de lui ouvrir la carrière politique, ce qui correspondait
exactement à ses désirs titimes.
En cette fin d’année 1796, la France, régie par la constitution de
l’an III, était gouvernée par un pouvoir exécutif : le
Directoire, et un pouvoir législatif composé de deux assemblées : le Conseil des
Anciens, chambre haute comparable à notre Sénat et le Conseil des Cinq-Cents qu’il
est possible d’assimiler à notre Assemblée nationale. Assez curieusement, ces deux
chambres étaient renouvelables par tiers tirés au sort chaque année, ce qui aura pour
conséquence l’impossibilité d’y avoir une majorité stable et du même bord
pendant plus d’un an. En 1797, un seul membre du Conseil des Anciens représentant la
Haute-Vienne eut à se présenter devant les électeurs et, d’ailleurs, pour faire
partie de cet aréopage il fallait être âgé d’au moins quarante ans, ce qui
n’était pas le cas de Jourdan. Mais, un des députés aux Cinq-Cents perdit son siège
et ne se représenta pas. Des élections devaient donc avoir lieu dans ce département. Elles se
tinrent en avril 1797. Le 10 de ce mois, il fut procédé à l’élection
préalable du bureau de l’assemblée électorale chargée de surveiller le déroulement
du scrutin et d’en contrôler les résultats. Le suffrage universel
n’existait pas. Les élections se tenaient au suffrage censitaire et seuls les
contribuables
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