Le Maréchal Jourdan
caisson, ni un canon.
Jourdan espérait que l’archiduc arrêterait là son offensive et se retournerait
contre Moreau. Or, Charles était bien décidé à repousser Jourdan jusqu’au Rhin dans
la mesure où il aurait les mains libres. La faute des revers qui suivirent incombe entièrement
au Directoire et plus particulièrement à Carnot. Conformément à ses instructions, Moreau, au
lieu de se porter au secours de son camarade afin d’unir leurs forces contre les
Autrichiens, continuait à progresser dans la vallée du Danube, refoulant Latour devant lui mais
rendant sa propre situation chaque jour un peu plus critique. Jourdan, pendant ce temps,
s’était arrêté devant Würzburg et y avait laissé son armée se reposer. Puis,
comprenant que les Autrichiens, profitant de leur supériorité numérique, voulaient livrer
bataille, il s’y prépara avec sa minutie habituelle. L’affrontement eut
lieu le 3 septembre. Les lignes françaises tenaient bon devant les assauts ennemis et,
longtemps, Jourdan espéra non pas réellement vaincre mais repousser partout ses adversaires. Il
escomptait l’arrivée de Lefebvre qui était demeuré en flanc-garde à Schweinfurth.
Mais, curieusement, celui-ci, sans ordres, n’eut pas l’initiative de
marcher au canon et resta immobile toute la journée. Le soir, craignant d’être
débordé, Jourdan se résigna à la retraite et ordonna un repli sur la Lahn. Elle fut difficile à
réaliser mais, néanmoins, Jourdan la réussit et atteignit la rivière le
9 septembre.
Seulement, Charles ne voulait lui laisser aucun répit et reprit, le 14, son offensive. Après
une fetite en direction de Wetzlar, il fit porter son effort contre le village de Diez où
commandait Marceau. Assez bizarrement, celui-ci se défendit avec un certain manque de
conviction et donna rapidement un ordre de repli avant que Jourdan ait pu réagir. Ce mouvement
entraîna celui de toute l’armée. Marceau n’eut pas l’occasion
de justifier sa conduite, car il fut mortellement blessé le lendemain par un chasseur tyrolien.
Cette unité d’élite était équipée de carabines rayées « à balles
forcées » et utilisait ces armes de précision et de grande portée pour tirer sur les
officiers de rang élevé. Dans sa retraite, Jourdan fut contratit d’abandonner
Marceau titransportable aux mains de l’ennemi. L’archiduc Charles,
averti, se hâta de lui envoyer, en vain, son propre chirurgien. Après que Marceau eut expiré,
il vtit s’agenouiller et prier devant sa dépouille qu’il fit ensuite
transporter jusqu’aux lignes françaises. Le général Krag, chargé de la mission,
annonça à son vis-à-vis que de son propre chef l’archiduc avait décidé une
suspension d’armes de vingt-quatre heures pour permettre à ses adversaires de
procéder en paix aux funérailles. Il leur laissait le choix du jour. Charles, parfait
gentilhomme, pratiquait encore la guerre en dentelles !
Après ce nouveau revers, Jourdan fut contratit de reculer jusqu’au Rhin
qu’il retraversa sans difficulté. Sa retraite avait été exemplaire. Il
n’avait perdu dans les différents combats que quatre mille à cinq mille hommes et
sauvé son armée qui serait bientôt en état de rentrer en campagne. Évidemment, il laissait
Moreau dans une situation délicate et même périlleuse dont ce dernier allait réussir à se tirer
après une retraite par le Val d’Enfer.
L’année 1796 n’avait pas été favorable pour la République. De son côté,
Bonaparte, après avoir conquis le Piémont, piétinait en Italie. Mantoue continuait à lui
résister et bloquait tous ses projets de marche sur Vienne (la place ne capitulera
qu’en février 1797).
Et l’opinion publique réclamait des sanctions. Le gouvernement devait trouver un
bouc émissaire. Il pouvait difficilement désigner Carnot sans se déjuger lui-même et décida de
faire reposer toute la faute sur Jourdan. Celui-ci continuait à professer des opinions
jacobines plutôt mal vues à présent que le club avait été fermé en novembre 1794. Ses
correspondants de province, et parmi eux la Société des amis de la liberté de Limoges, avaient
été contratits de mettre en sourdine leur activité politique. Mais ces vicissitudes
n’avaient en rien altéré les convictions du général.
Le Directoire justifia ce choix arbitraire en soulignant que Moreau
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