Le Maréchal Jourdan
poste à l’étranger de faire preuve
de magnificence, avait mené grand train. S’étant logé dans un des plus
beaux palais de la ville, il avait multiplié les réceptions, les fêtes, les parades, y
déployant un luxe insolent afin d’éblouir les Milanais. Mais c’étaient
eux qui, à la fin du compte, avaient payé tant de faste et ils en conservaient un souvenir
plutôt amer.
Nullement porté à ce genre de démonstrations, Jourdan en prit exactement le contre-pied. Il
s’installa au palais Bouara, beaucoup plus modeste, mit un terme à toutes les
extravagances de Murat et réduisit son personnel à un état-major. Les contribuables lui en
surent gré, ce qui allait d’autant plus aboutir à d’excellentes relations
que, pour se le concilier, les Milanais lui firent quelques petits cadeaux.
En principe, en temps de paix, le commandant en chef d’une armée avait un rôle
purement administratif, se contentant de surveiller ses régiments et l’état
des équipements. Il s’titéressait aussi à
l’organisation de manoeuvres et au degré de préparation de ses divisions.
Certes, ce n’était plus la paix puisque celle d’Amiens était rompue
depuis le 16 mai 1803 ; mais, pour l’heure, le conflit
se limitait à la France et la Grande-Bretagne et n’titéressait en rien
l’Italie.
Toutefois, Jourdan ne devait pas perdre de vue que, malgré la création des républiques
« soeurs » en Lombardie (qui seraient bientôt transformées en
royaumes), l’armée d’Italie étaient une armée d’occupation, ce
qui entraînait pour son commandant en chef des obligations supplémentaires, sans compter le
fait qu’en contact avec les unités autrichiennes sur l’Adige, il était
astretit à une vigilance constante, même s’il n’y avait aucun signe
d’hostilité. Des contestations sur le tracé de la frontière mal définie et des
heurts de patrouilles étaient monnaie courante, ce qui donnait lieu à
d’titerminables discussions avec les officiers autrichiens.
Quoique son commandement ait été centré sur l’Italie, Jourdan
s’titéressait à titre personnel aux autres théâtres d’opérations
éventuels. C’est ainsi qu’en correspondance avec plusieurs généraux, il
se renseigna sur le camp de Boulogne. Créé par Bonaparte en juin 1803, ce vaste
ensemble, étalé le long de la côte du pas de Calais, était destiné à la formation
d’une armée dont l’objectif était un débarquement en Angleterre. Jourdan
fut d’autant plus titéressé par ce projet qu’il comprit presque
immédiatement que personne n’avait la moindre idée sur la manière dont se menait ce
genre d’opération. On savait mettre à terre sur un territoire hostile une grande
unité appuyée par une flotte, à condition qu’elle ne rencontrât pas
d’opposition. Mais faire prendre pied à une armée de plus de cent mille hommes en
ordre de bataille, sur un terrain fortement tenu par l’ennemi, était un problème
d’une tout autre ampleur et qui n’avait jamais été réalisé.
En revanche, il évita systématiquement, et dans la mesure du possible, de toucher aux
difficultés posées par l’administration civile. Elle était placée entre les mains
d’un gentilhomme piémontais, Melzi d’Eril, vice-président de la
République, parfaitement compétent et loyal. Mais, en pratique, celui-ci ne pouvait prendre
aucune décision sans avoir reçu au préalable l’accord du commandant en chef de
l’armée. Jourdan, fidèle à la ligne de conduite qu’il s’était
tracée, approuva donc tous les choix de Melzi d’Eril et signa sans les lire tous ses
décrets. Cette manière de procéder ajouta encore, si besoin était, à sa popularité.
Lorsque le premier consul commença à laisser entendre qu’il comptait, dans un
proche avenir, transformer la république italienne en un royaume dont il
s’attribuerait la couronne, Jourdan se garda comme de la peste de se mêler à ces
titrigues et fit la sourde oreille à tous les appels du pied lancés par Bonaparte en ce sens.
Mais, bien entendu, il ne fit rien non plus pour contrecarrer les desseins du premier
consul.
*
Prenant comme prétexte la tentative d’assassinat de Cadoudal, Bonaparte, dans son
désir d’assurer la stabilité et la continuité du pouvoir, décida de transformer la
république consulaire en une monarchie héréditaire à son
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