Le Maréchal Jourdan
donc, avant de partir, des mesures de sévère vigilance.
Le 2 décembre, Jourdan fit partie, en tant que maréchal, du cortège impérial. À ce
titre, à cheval comme ses camarades, il escorta le carrosse doré de l’empereur et
jugea que la foule sur le parcours était clairsemée et manquait d’enthousiasme. Le
2 février 1805, c’est-à-dire quelques mois après la plupart de ses
camarades, Jourdan était nommé Grand Aigle de la Légion d’honneur et chef de la
seizième cohorte, comprenant des départements du royaume d’Italie. Ce titre était
accompagné d’un revenu de trois cent mille francs. Mais Jourdan aurait pu faire
remarquer qu’il était promu le dernier, bien tard et après quelques maréchaux qui
étaient loin d’avoir ses titres. Ce même mois, de retour à Milan, il annonça la
prochaine venue de Napoléon en Italie. Or, l’arrivée de l’empereur, qui
devait suivre de peu le retour de Jourdan, fut retardée par l’épineuse question de
la désignation du souverain de ce nouveau royaume d’Italie qui prenait des allures
de problème de portée titernationale.
Napoléon avait jugé incompatible son titre d’empereur avec celui de président de
la république italienne, d’où cette transformation en royaume. Mais
l’Autriche, Naples et même la Russie voyaient d’un fort mauvais
oeil que le titre fût porté par Napoléon en personne. Par contre, Vienne
n’était pas opposée à ce que l’un de ses frères y régnât. Il offrit donc
le trône à Joseph. Celui-ci le refusa sous le prétexte qu’il ne voulait pas perdre
son titre de prince français et d’héritier de Napoléon auquel on lui demandait de
renoncer. En réalité, il était parfaitement heureux de vivre en gentleman-farmer dans son
superbe domaine de Mortefontaine, près de Senlis, où il se faisait le malin plaisir de recevoir
tous les opposants au régime, de Bernadotte à Madame de Staël en passant par Chateaubriand.
L’empereur envisagea alors de ceindre cette couronne à titre provisoire et
d’adopter le fils aîné de Louis qui lui succéderait à sa majorité. Louis refusa
d’entrer dans cette combinaison compliquée et, de guerre lasse, Napoléon se résigna
à devenir lui-même roi d’Italie. Mais comme cette solution déplaisait au cabinet de
Vienne, il écrivit à l’empereur François II pour le rassurer en lui affirmant que
les deux couronnes de France et d’Italie sur la même tête ne tireraient pas à
conséquence. Toutefois, en même temps, ignorant quelles seraient les réactions de
l’Autriche, assez susceptible, il ordonna à Jourdan, tout occupé par les préparatifs
du couronnement, de planifier, mais sans passer à la phase « exécution »,
une certaine concentration de troupes dans la plaine lombarde. En réalité, pour
l’heure, il ne risquait rien. La troisième coalition était loin d’être
formée et l’Autriche n’était pas encore prête pour un conflit.
L’empereur quitta Paris le 1 er avril, sans se presser. Le
5 mai, il assista à une reconstitution de la bataille de Marengo, bon prétexte pour
esquisser une concentration de troupes, et, le 8, il fit son entrée à Milan, au milieu
d’un déploiement impressionnant de régiments. Jourdan eût trouvé tout naturel de
chevaucher aux côtés de Napoléon, mais on lui fit comprendre qu’il devait se tenir
un peu en arrière. Dans les jours qui suivirent, les délégations officielles, venues de tout le
royaume saluer leur nouveau souverain, lui furent présentées par Melzi d’Eril et
Jourdan.
La cérémonie du couronnement se ttit le 26 et comme à Paris l’empereur se couronna
lui-même. Il était évident qu’il lui serait difficile de gouverner à la fois
l’Empire et le royaume, et immédiatement après la cérémonie il annonça à
l’assistance stupéfaite que le jeune Eugène de Beauharnais était nommé vice-roi avec
résidence à Milan. Or, il n’avait que vingt-trois ans et cette promotion, si elle ne
les mécontenta pas, déçut fort les deux hommes qui gouvernaient à ce moment
l’Italie : Melzi d’Eril et Jourdan. Non sans raison, les
compétences d’Eugène leur parurent assez minces pour remplir ces lourdes fonctions.
Sur le plan militaire en particulier, ce n’était qu’un officier
subalterne assez moyen. Or, avec cette nomination, au moins l’un d’entre
eux, le civil, voyait
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