Le Maréchal Jourdan
associée à toutes les manifestations de sympathie et d’estime qui
marquèrent son départ. Rien n’y manqua : banquets, revues,
réceptions avec arcs de triomphe et feux d’artifice, discours et
même petits cadeaux. Dans l’ensemble, les Piémontais se satisfaisaient de la manière
sage et pondérée dont Jourdan avait administré le pays et s’étaient montrés contents
qu’il entrât dans les détails et se penchât personnellement sur les nombreux cas qui
étaient soumis à ses services.
Un petit incident assez significatif de la mentalité de l’entourage du premier
consul allait marquer ces festivités précédant son départ. À la fin de l’un de ces
banquets, le secrétaire général de l’administration proposa que fût frappée une
médaille commémoratrice à l’effigie de Jourdan, précisant que, selon les moyens des
souscripteurs, elle serait en bronze ou en argent. L’affaire vtit à la connaissance
de Chaptal, ministre de l’titérieur et assez plat courtisan. Il s’opposa
donc à la réalisation du projet en déclarant qu’il n’aurait pas la
possibilité de débloquer les fonds nécessaires à la frappe et en sachant que tout ce qui
pouvait porter ombre à la gloire de Bonaparte lui était insupportable. Et, de fait, le premier
consul n’titervtit pas pour modérer le zèle de son ministre, ce qui tendrait à
montrer que la manière dont Jourdan avait accompli sa mission lui était désagréable. Moyennant
quoi, la médaille fut tout de même frappée. Mais Jourdan était, en quelque sorte, prévenu de
l’accueil qui l’attendrait à Paris. Quel poste lui serait attribué, à
supposer même qu’il y en eût un, il n’en avait pas la moindre idée, mais
il prévoyait déjà de se trouver une occupation. Il semble bien qu’en quittant Turin
il ignorait que, le 1 er décembre 1802, il avait été nommé
conseiller d’État, comme l’étaient déjà Gouvion-Satit-Cyr, Bernadotte et
Brune, tous en plus ou moins bons termes avec Bonaparte, parce qu’ils étaient restés
républicains convaincus.
Les Jourdan quittèrent Turin dans les derniers jours de décembre, ce qui montrait une
certaine détermination, car traverser les Alpes au coeur de l’hiver
n’était pas un voyage de tout repos.
*
Le Conseil d’État, tel qu’il était institué et défini par la nouvelle
constitution de l’an VIII, n’était pas uniquement une voie de
garage pour généraux dont le pouvoir entendait se débarrasser sans éclats. Cette assemblée,
formée en majorité de juristes, était chargée d’examiner les projets de lois mais,
sous un angle strictement technique, sans avoir le pouvoir d’y apporter le moindre
amendement. Aussi, Jourdan, comme ses camarades, pouvait-il se demander si, en dehors des
questions touchant à l’armée, il pourrait y être d’une quelconque
utilité, même s’il avait acquis une certaine expérience lorsqu’il avait
siégé au Conseil des Cinq-Cents ou durant son séjour à Turin. Par
ailleurs, durant cette période de paix, les affectations d’officiers généraux se
raréfiaient et il pouvait paraître normal que Jourdan se retrouvât sans emploi dans
l’armée.
Aussi décida-t-il peu après son retour à Paris de creuser son trou lui-même. À
l’automne de cette année 1803, des élections allaient avoir lieu au Sénat, qui avait
remplacé le Conseil des Anciens, et Jourdan se prépara à tenter sa chance dans son département
d’origine. La situation politique évoluait. Tous ceux qui estimaient que la France
devait continuer à être une république et à qui le Consulat, en sa forme
présente, convenait, suivaient son évolution, sinon avec inquiétude, du moins avec attention.
En mai 1802, le Sénat avait réélu Bonaparte premier consul par anticipation pour dix
ans. Et comme si cela n’avait pas suffi, le 2 août, celui-ci se faisait nommer
consul à vie. Cela commençait à ressembler à une dérive vers la monarchie. Pour rassurer les
inquiétudes, le premier consul supprima, en septembre de la même année, le ministère de la
Police, ce qui eut pour résultat de mécontenter Fouché qui était à ce poste et qui se retrouva,
lui aussi, sans emploi.
À la fin de l’été 1803, Jourdan se rendit à Limoges. Il constata avec satisfaction
qu’il restait, pour tous, l’enfant illustre du pays, le vainqueur de
Fleurus et que sa
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