Le Maréchal Jourdan
son rôle prendre fin et il était à craindre qu’il en fût
bientôt de même pour le second.
Durant le séjour de Napoléon en Italie où il visita plusieurs villes et annexa sans
explications la république de Gênes, Jourdan organisa à son titention de grandes
manoeuvres qui se déroulèrent au camp de Castiglione et dont l’empereur se
déclara satisfait. Il quitta l’Italie, le 8 juillet, sans donner
d’instructions particulières à Jourdan, alors que la situation politique se
dégradait chaque jour un peu plus en Europe. Brusquement, et sans que rien ne l’ait
laissé prévoir, le maréchal fut relevé de son commandement, le
30 août, au moment où l’empereur allait lever le camp de Boulogne et
marcher sur l’Allemagne. À ses proches, à Berthier en particulier,
il confia qu’il était contratit d’agir de la sorte, car il le trouvait
« trop peu vigoureux et ayant la réputation de se décourager facilement »
sans justifier du reste ces calomnies. En réalité, il lui reprochait de ne pas avoir apporté
suffisamment de zèle à la préparation de l’armée d’Italie pour le
prochain conflit, alors qu’il n’avait cessé de lui recommander de ne se
livrer à aucun acte que les Autrichiens pourraient titerpréter comme de prochains signes
d’hostilité.
Il le remplaça par Masséna qui avait fait toutes les précédentes guerres d’Italie,
en grande partie sous les ordres directs de Bonaparte, ce qui n’était pas le cas de
Jourdan. Celui-ci prit assez mal la nouvelle. Depuis quatre ans qu’il résidait en
Italie, et un an et demi qu’il était à la tête de l’armée, il
n’avait pas ménagé sa peine et, sans en avoir l’air, avait tenu celle-ci
de manière permanente en état de préparation, ce qui en faisait un excellent instrument. Il
écrivit donc une lettre très sèche à Napoléon pour demander des explications,
d’autant qu’on ne lui annonçait aucune nouvelle affectation.
L’empereur, dès cette époque, n’était pas habitué à voir critiquer ses
décisions ou poser des questions à leur sujet. Surpris, presque confus, il répondit à Jourdan
par une lettre débordant d’amabilité. Il lui expliqua qu’il avait envoyé
Masséna en Italie car celui-ci connaissait le terrain comme personne et qu’en plus,
au-delà de l’Adige, certains secteurs n’étaient même pas cartographiés,
et pourtant Masséna en avait la pratique pour y avoir déjà combattu. Il terminait en
s’excusant presque et en assurant d’une manière un peu vague
qu’il songeait à lui donner un commandement dans la toute proche campagne
d’Allemagne. Cette promesse demeura sans suite, Jourdan le réalisa assez rapidement.
Il devait avoir un peu plus tard la satisfaction de constater que Masséna à la tête de
l’armée d’Italie n’avait pas accompli de prouesses. Certes, il
gagna une grande bataille contre l’archiduc Charles mais n’en tira aucun
profit et n’esquissa aucun mouvement qui aurait pu constituer une marche sur Vienne.
À sa place, Jourdan eût pu faire aussi bien que lui.
En réalité, le comportement de Napoléon vis-à-vis de Jourdan tient à une situation tout à
fait particulière. Il était un des deux seuls maréchaux à avoir commandé en chef devant
l’ennemi et remporté dans ces conditions une très grande victoire, sans avoir servi
sous les ordres de Bonaparte. L’autre était Kellermann et l’empereur prit
toujours prétexte de son grand âge pour ne jamais l’employer en campagne. Il semble
qu’il éprouvait une sorte de complexe vis-à-vis d’eux, tenant en partie
au fait qu’à l’époque où ils étaient déjà célèbres, lui-même
n’était qu’un obscur capitaine d’artillerie. Il se voyait mal
donnant des ordres à Jourdan comme à Ney ou à Mortier. Un autre général de la Révolution
s’était trouvé dans une position plus ou moins identique : Moreau.
Napoléon s’en était débarrassé de manière peu reluisante. À la suite d’un
procès inique, il l’avait contratit à l’exil [1] .
Au début de l’automne 1805, Jourdan rentra en France et alla s’enfermer
dans sa propriété du Coudray où il décida de se consacrer à l’éducation de ses cinq
filles. Il n’envisagea même pas de faire acte de présence au Conseil
d’État. Non sans quelque amertume, il perçut l’écho des victoires
d’Ulm et
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