Le Maréchal Jourdan
réflexions laissant entendre qu’il y avait bien peu de chances pour que le roi
revienne un jour, fut accueillie avec enthousiasme par tout ce que le Piémont comptait de
républicains. Les royalistes se résignèrent avec une certaine facilité, d’autant que
la personnalité de Charles-Emmanuel avait assez peu marqué les esprits. Et puis, après tout,
cette république bonapartiste semblait amener un régime d’ordre et de calme. Jourdan
organisa de grandes fêtes populaires pour souligner l’événement et
l’ensemble de la population, par la voix du Conseil des Six, pria Jourdan
d’exprimer sa reconnaissance au gouvernement consulaire.
La transition semblait donc devoir s’accomplir sans
difficultés majeures lorsque monsieur de Satit-Marsan essaya de rouvrir la discussion. Il
s’attardait à Paris car, s’il souhaitait faire traîner les négociations,
il n’entendait pas les clore, espérant trouver une ouverture pour rendre son trône à
son souverain. Il fut toutefois prié de plier bagage et quitta Paris, le
3 juillet 1801, pour rejoindre son maître. Lorsque, quelques mois plus tard,
il écrivit au premier consul en demandant une nouvelle entrevue, il lui fut répondu
qu’il était trop tard et que les jeux étaient faits.
Dans les mois qui suivirent, Jourdan s’appliqua à administrer la province en
ménageant les susceptibilités, tout en favorisant ouvertement les titérêts français. Il voyagea
beaucoup et eut de nombreux entretiens avec Brune sur le comportement de ses troupes. Il
trouvait qu’elles se conduisaient un peu trop comme en pays conquis. Jourdan savait
parfaitement que cette attitude était due, pour une bonne part, au fait que la solde
n’était pas payée ou qu’elle l’était avec plusieurs mois de
retard. Brune, aussi bien que lui, déplorait cette situation mais obtenait difficilement que
Paris débloquât des fonds, car Bonaparte estimait qu’une armée détachée à
l’étranger, ou à peu près, devait vivre sur le pays. Or, de son potit de vue, le
Piémont, même annexé, restait un territoire occupé. Autrement dit, celui-ci avait tous les
inconvénients des départements nationaux et quelques autres en plus, par-dessus le
marché !
En juin 1802, le premier consul officialisa le rattachement sans
consultation préalable. Il se contenta de promulguer un décret d’amnistie pour les
délits politiques en général et la révolte de janvier 1801 en particulier. Les
Piémontais, qui avaient émigré, étaient invités à regagner le pays avant le
23 septembre, sous peine de voir tous leurs biens confisqués. Bien peu répondirent à
cette invite ; ils préférèrent servir l’Autriche ou le royaume de Naples.
Dans la foulée, le gouvernement français abolit le régime féodal qui régissait encore le statut
de la propriété territoriale et toutes les contratites économiques qu’il entraînait.
Puis, il invita les jeunes gens, attirés par le métier des armes, à s’inscrire dans
une école militaire française. Là encore, bien peu d’entre eux répondirent à la
proposition.
Le Conseil des Six fut ensuite dissous et les Piémontais envoyèrent vingt députés, élus au
suffrage censitaire, siéger au Corps législatif à Paris.
Cette absorption de la moitié de l’Italie du Nord par la France se fit sans
entraîner de réactions particulières sur le plan européen. L’Autriche
n’était pas, pour l’heure, en mesure de la contester et la
Grande-Bretagne, toute à son désir d’entracte dans sa lutte contre la France, ferma
les yeux. Du reste, le nord de l’Italie l’titéressait
peu !
Du fait de son rattachement, le Piémont n’avait plus besoin
d’un administrateur général et la mission de Jourdan perdait sa raison
d’être. Il prépara donc son retour en France mais en prenant son temps. Madame
Jourdan était venue rejoindre son mari depuis plusieurs mois. Cette bourgeoise simple,
mère de famille nombreuse (sa cinquième fille était née en 1800), avait été bien accueillie
dans la société turinoise que fréquentait le général. Elle s’était surtout
titéressée à tout ce qui constituait l’assistance publique et avait obtenu de son
mari des fonds pour les hospices et les orphelinats qui en avaient particulièrement besoin,
s’attirant ainsi la reconnaissance de ce clergé que son mari ignorait !
Aussi fut-elle
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