Le Maréchal Jourdan
profit. L’initiative des
assemblées, le désir profond de la nation, le besoin général de tranquillité et de paix,
correspondant aux voeux de l’immense majorité des Français, tout cela fut
une comédie merveilleusement montée. Les opposants furent peu nombreux, dispersés et leur
action, nulle. Parmi eux, se comptaient Moreau, Bernadotte, Jourdan et, détail curieux, le
second consul Cambacérès, qui prophétisa que la France avait fait la guerre à
l’Europe pour imposer des républiques, qu’elle en ferait
d’autres pour mettre en place de nouveaux monarques et que tout cela finirait en
catastrophe !
Il y en eut un, ou plus exactement une plus originale encore. Ce fut Joséphine, madame
Bonaparte, qui, en entendant le mot « hérédité », voyait se profiler à
l’horizon le divorce.
L’Empire fut proclamé le 18 mai 1804 et la nouvelle parvtit à
Milan dans les jours qui suivirent. Laissant à Melzi d’Eril le soin de le faire
savoir à la population civile, Jourdan adressa un ordre du jour à l’armée
l’informant de cet événement important. Si ce document était correct et objectif
dans le fond et dans la forme, il manquait visiblement de chaleur. Le général se réjouissait de
l’avènement du nouveau régime mais le coeur n’y était pas. Pour
ce républicain, la pilule était tout de même amère. Il fit néanmoins savoir à Paris que les
régiments avaient acclamé le nouveau souverain. Il eut un peu plus tard, lorsque furent connus
les noms des quatre maréchaux honoraires et des quatorze en activité, la joie de lire son nom
en haut de la liste, puisqu’il était le quatrième dans l’ordre de
création. L’établissement de celle-ci n’avait pas été facile. Napoléon
voulait éviter tout risque de conflit entre les officiers de l’armée du Rhin et ceux
de l’armée d’Italie, leur opposition permanente étant depuis plusieurs
années source de chicanes. C’est pourquoi il en désigna sept de chaque faction.
Mais, néanmoins, de l’armée du Rhin, il ne choisit que les deux qui, aux yeux de
tous, demeuraient obstinément républicains : Bernadotte et Jourdan. Deux autres,
issus de la même armée, furent écartés alors même que leurs mérites étaient de très loin
supérieurs à ceux de certains de leurs camarades : Gouvion-Satit-Cyr, qui dut
attendre son bâton jusqu’en 1812, et Vandamme qui ne le reçut jamais et
s’en vengea cruellement en 1814.
Jourdan, s’il se montra pleinement satisfait, fut tout de même un peu étonné parce
que, à ce moment, ses rapports avec Bonaparte, sans être vraiment mauvais, n’étaient
pas des meilleurs. Le fait qu’aux yeux de tous il demeurât le vainqueur de Fleurus
pesa sans doute dans la balance ; on ne pouvait faire autrement que de lui accorder
cette dignité, mais cela aurait pu également lui nuire car, dès ce moment,
l’empereur avait du mal à supporter des généraux qui avaient gagné des batailles
dans lesquelles il n’avait joué aucun rôle.
La ville de Milan fêta avec éclat cette promotion. Un grand banquet fut offert au maréchal.
En raison de son éloignement, il ne prêta pas serment le 19 mai mais seulement le
4 décembre, à l’issue du sacre, en même temps que Lannes et Soult qui
avaient été, eux aussi, absents de Paris.
Hormis le conflit avec la Grande-Bretagne, qui se résumait pour l’heure aux
préparatifs du camp de Boulogne et de la flotte, l’année 1804 s’écoula
dans une atmosphère générale de paix. Ce fut donc dans ces conditions assez propices que
Jourdan organisa pour le 15 août une cérémonie grandiose afin de célébrer dignement la
fête de l’empereur. Elle réjouit fort les Milanais. Il avait donc été absent de
Paris en cette occasion mais se devait d’y aller pour le couronnement (on disait le
sacre mais, en fait, il s’agissait des deux) qui eut lieu en décembre.
Jourdan quitta Milan le 18 novembre, peu de jours après que le
pape fut parti de Rome. Il était accompagné de madame Jourdan, curieuse d’assister à
la cérémonie, et ils voyagèrent avec une forte escorte. On venait en effet
d’apprendre à Milan qu’un des convois formant la maison du pape avait été
attaqué et pillé par des brigands, entre Plaisance et Alexandrie, c’est-à-dire sur
un territoire en principe contrôlé par l’armée d’Italie. Le maréchal
prescrivit
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