Le Maréchal Jourdan
lancer sur la route le convoi sans escorte, car il risquait d’être
attaqué par les guérillas. C’était exact, mais Jourdan estimait que cela
n’avait aucune importance. Finalement, le 20 juin, Joseph détacha la
division Maucune pour escorter une partie de l’immense train vers le
nord ; toujours des demi-mesures. Puis, au lieu de se replier sur Clausel, Joseph,
jouant plus que jamais au général en chef, lui envoya des paysans porteurs de messages, lui
demandant de rallier son armée. Aucun d’entre eux ne parvtit au général.
D’ailleurs, ayant une fois de plus changé de manière de voir, Joseph estimait
qu’il était inutile d’attendre Clausel et que ses troupes étaient assez
nombreuses pour remporter une victoire ; lui non plus ne voulait pas avoir à en
partager la gloire.
Le 21 juin au matin, le maréchal fit l’effort de monter à cheval et
d’aller reconnaître le terrain en compagnie du roi. Il nota tout de suite
qu’un des potits clés en était la butte du Zuago et il recommanda de la garnir
d’artillerie. Mais déjà, sur toute la ligne, l’armée anglaise passait à
l’attaque. Jourdan refusa dans ces conditions d’assurer le commandement
ainsi que le lui offrit Joseph, d’autant que celui-ci ne voulait pas entendre parler
de repli. Le maréchal se retira sous sa tente et, bientôt, dut en partir devant la progression
de l’ennemi. Demeuré seul, bien incapable de commander, Joseph ne tarda pas à perdre
la tête, monta en voiture et ne songea plus qu’à fuir. Les différentes divisions
françaises combattirent séparément et résistèrent presque toute la journée. Mais, faute de
commandement, elles furent contratites à la retraite les unes après les autres. Ce fut le
fameux convoi qui sauva l’armée française de la déroute. En le découvrant, les
soldats anglais et portugais se ruèrent au pillage, oubliant toute discipline. Leurs officiers
eurent beaucoup de peine à protéger des violences les dames que Wellington, en gentleman, prit
sous sa protection avant de les renvoyer en France. Les différentes unités françaises de
l’armée de Joseph purent ainsi se replier, par Satit-Jean-Pied-de-Port, vers
Bayonne.
Dans la mêlée, Joseph manqua d’être pris par des soudards anglais qui se jetaient
sur sa voiture, bloquée dans la cohue du convoi. Pendant qu’ils tentaient
d’ouvrir une portière, il sauta par l’autre, enfourcha un cheval de
troupe qui se trouvait là par hasard et s’enfuit au galop. Il abandonnait, entre
autres, les diamants de la couronne et le bâton de maréchal de Jourdan, que celui-ci lui avait
confié. Il fut porté à Wellington qui l’envoya au prince régent
d’Angleterre.
L’exemple même du manque de commandement de l’armée française fut
illustré par le cas du grand parc d’artillerie. Son commandant, le général Hugo,
attendait, pièces et fourgons attelés, l’ordre de les enlever. Ne le voyant pas
venir, devant la progression de l’ennemi, il envoya plusieurs officiers pour
solliciter des instructions. Ils ne trouvèrent personne et à la fin du compte, Hugo et ses
hommes durent s’enfuir en abandonnant tout le matériel.
À la nuit tombée, Joseph se retrouva dans le village de Salvatierra. Installé dans
l’auberge du cru, il soupait en compagnie du général Drouet d’Erlon et de
son conseiller Miot de Melito lorsque la porte s’ouvrit et Jourdan, dont on était
sans nouvelles depuis le matin, entra, toujours en plein accès de fièvre. Devant le silence
général, sans daigner s’expliquer sur ce qu’il avait fait durant la
journée, il déclara, non sans une potite d’ironie : « Eh bien,
on a voulu donner une bataille et la voilà perdue ! »
Après quoi il s’installa à la table commune et soupa avec les
autres sans que sa réflexion suscitât de commentaires.
Le lendemain, ils se séparèrent. Alors que, depuis deux ans, ils avaient vécu dans une
étroite collaboration amicale, ils se quittèrent plutôt froidement, sans regrets, sans jamais
avoir, semble-t-il, l’occasion de se revoir ni sans chercher à provoquer celle-ci,
comme si Joseph avait cratit que Jourdan ne lui fît le reproche des fautes accumulées ce
jour-là. Mais, de son côté, Jourdan pouvait vouloir éviter de voir son ancien ami lui faire
remarquer qu’il n’avait pas fait grand-chose (la fièvre étant une bonne
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