Le Maréchal Jourdan
commanderait
les trois armées, soit cent vingt-deux mille hommes, serait en mesure d’écraser
Wellington qui, en comptant ses alliés, n’avait plus pour l’heure que
soixante mille combattants à leur opposer.
La conférence du 3 octobre manqua avorter dès le début. Soult, assez théâtralement, donna
l’accolade à Jourdan en arrivant. Celui-ci, très calme et qui,
d’ailleurs, n’avait aucun grief majeur contre son camarade, se prêta au
jeu ; après quoi il demeura silencieux, témoin sans titervenir dans la suite de la
scène. Mais, lorsque le duc de Dalmatie voulut répéter son geste avec Suchet qui, de par son
mariage, était devenu neveu du roi, le duc d’Albufera prononça à haute voix le mot
de « fourberie ». Ce fut Joseph qui prit sur lui et titervtit pour calmer
le jeu. Finalement, avec quelques réticences, Soult accepta le plan de Jourdan, se réservant
d’y apporter des modifications, et se mit en route à la fin du mois
d’octobre.
Wellington, lorsqu’il avait décidé de marcher sur Burgos, n’avait
laissé qu’une faible garnison à Madrid. Le général Hill qui la commandait se hâta
d’évacuer la ville, la jugeant indéfendable à l’approche de la grande
armée de Soult. Joseph rentra dans sa capitale le 2 novembre et, à son grand étonnement, y fut
accueilli par une population enthousiaste. L’occupation anglaise avait été tellement
insupportable que, par comparaison, celle des Français semblait presque légère.
Le roi ne s’attarda pas en ville. Toujours accompagné de Jourdan, il rejoignit
Soult qui avait fait sa jonction avec Clausel devant Salamanque. L’armée alliée
occupait la rive sud de la rivière Tormés. Joseph suggéra de franchir cet obstacle guéable un
peu partout et d’attaquer de front l’ennemi. Jourdan et Soult eurent
beaucoup de mal à l’en dissuader. Ils préférèrent passer le cours d’eau
plus à l’est et ainsi tenter d’encercler les forces ennemies. Wellington
comprit assez rapidement la manoeuvre et décampa, poursuivi par l’armée
française. Mais celle-ci, très fatiguée, ne parvtit pas à « accrocher »
l’adversaire et le suivit jusqu’au Portugal où Soult, devant
l’état de ses propres troupes, arrêta les frais. Tout au long de la route, il avait
ramassé des prisonniers, traînards, malades et autres par centaines, et avait fait main basse
sur les fourgons et une partie de l’artillerie anglaise abandonnés dans la
poursuite. De plus, tout le bénéfice que Wellington avait tiré de sa victoire des Arapiles se
trouvait perdu. Ainsi, grâce à la concentration préconisée par Jourdan, la situation militaire
était redressée à la fin de l’année 1812, mais le problème posé par
l’armée anglaise n’était pas résolu, puisque la tentative
d’encerclement n’avait pas réussi.
*
Depuis longtemps on n’avait vu à Madrid de carnaval aussi joyeux et auquel se
joignit sans arrière-pensée toute la population que celui de 1813. Pourtant, si le roi et la
cour s’en réjouissaient ouvertement, le major général était inquiet et ne cherchait
pas à dissimuler ses cratites, même si par son comportement il se faisait traiter de
rabat-joie. Par son service de renseignements qui fonctionnait bien, il avait appris que
l’armée anglaise avait reçu d’importants renforts de Grande-Bretagne et
pouvait aligner à présent soixante mille hommes auxquels se joignaient environ vingt mille
Portugais et un nombre fluctuant d’Espagnols.
Or, à la suite de la désastreuse campagne de Russie, Napoléon, en prévision de la nouvelle
guerre qui allait, dans un premier temps, l’opposer à la Russie, la Prusse et la
Suède, levait une nouvelle grande armée et, pour l’étoffer avec des soldats
expérimentés, retira, dès le début de l’année, d’importants contingents
d’Espagne. Alors qu’en janvier, les troupes françaises alignaient encore
près de deux cent mille hommes répartis, il est vrai, dans toute la péninsule, un mois plus
tard, elles n’en comptaient plus que la moitié. Jourdan ne pouvait en concentrer que
cinquante à soixante mille avec une cavalerie très réduite. En même temps, l’un des
meilleurs chefs, Soult, fut rappelé pour prendre le commandement d’une partie de la
Garde en Allemagne.
Aussi, dès ce moment, l’empereur « conseilla »
d’abandonner la capitale qui
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