Le Maréchal Jourdan
janvier 1814, alors que les alliés se préparaient
visiblement à passer le Rhin et qu’il voyait le pays épuisé, à bout de ressources
humaines et matérielles, que Jourdan décida de sortir de son isolement.
La France était ruinée, l’activité économique réduite à rien. La population dans
son ensemble aspirait à la paix à n’importe quel prix. Le maréchal
l’avait mesuré. Toutefois, une fois encore, en lui le soldat reprit le dessus. Il
écrivit à Napoléon pour lui déclarer qu’en face de la grave situation du pays il
était prêt à sortir de sa retraite et à mettre son épée au service de la France. Il disait bien
« la France » et non « l’Empire ». Il y
avait plus qu’une nuance. Mais Napoléon qui, peut-être, ne la remarqua même pas, fut
surtout frappé par la grandeur du geste. Il décida donc d’employer Jourdan. Mais il
pensait que le maréchal était trop âgé (il n’avait que cinquante et un
ans !) pour exercer un commandement sur un champ de bataille. Aussi le nomma-t-il à
la tête des 14 e et 15 e régions militaires avec résidence à
Rouen. Dans la foulée, et ceci n’était pas pour déplaire au maréchal, toujours
soucieux de ses titérêts matériels, son plein traitement en activité lui était rendu.
Jourdan alla donc s’installer en Normandie. La tâche qui l’attendait
n’était pas mince. Il lui faudrait tous ses talents d’organisateur pour
la campagne qui s’annonçait. Napoléon, qui prétendait pouvoir compter sur six cent
mille hommes en comprenant les garnisons de toutes les forteresses, n’en alignait
pas le quart dans son corps de bataille face à plus de trois cent mille soldats alliés. La
partie semblait donc jouée d’avance mais allait tout de même durer près de trois
mois. Tous les départements furent mis à contribution pour fournir des hommes, des armes, des
équipements et des chevaux. Jourdan, qui faisait de son mieux, constata d’entrée de
jeu que les dépôts étaient vides et que les hommes appelés sous les drapeaux désertaient à qui
mieux mieux. Les arsenaux étaient également dégarnis aussi bien d’armes que de
munitions. Les rares stocks de vivres existants se révélaient inconsommables et les chevaux en
âge d’être utilisés étaient morts ou partis depuis longtemps.
Pourtant, Jourdan fit de son mieux et parvtit à expédier à l’armée ce
qu’il put réunir. Mais, à la fin du mois de mars 1819, alors qu’il ne
disposait plus que d’environ quarante-cinq mille hommes, Napoléon, arrivé à
Fontainebleau, fut contratit d’abdiquer après l’entrée des alliés à
Paris. Jourdan, tenu presque quotidiennement au courant de la situation grâce au télégraphe,
apprit ainsi la constitution du gouvernement provisoire formé par Talleyrand mais ne bougea
pas, évitant de lui faire allégeance et attendant de voir comment allaient évoluer les choses
et quel serait le régime qu’en définitive adopterait la
France : régence de Marie-Louise, retour de
Louis XVIII ? Alors que la majorité des maréchaux se hâtaient
d’abandonner l’empereur et se précipitaient en rivalisant de platitude
au-devant du roi, trois d’entre eux conservèrent une attitude digne :
Davout qui, assiégé dans Hambourg, allait encore tenir la place plusieurs mois au nom de
l’empereur, mais surtout Macdonald et Jourdan. Ces deux derniers
n’avaient pas trop bénéficié des largesses de Napoléon. Macdonald, fidèle ami de
Moreau, était resté en disgrâce et sans emploi jusqu’en 1809 et on sait ce
qu’il en avait été de Jourdan.
Le 7 avril 1814, le Sénat proclamait le comte de Provence roi, sous le nom
de Louis XVIII, sous réserve qu’il acceptât la constitution. Le lendemain,
Jourdan adressait un ordre du jour à ses troupes, constituées essentiellement de gardes
nationaux, y affirmant sa fidélité au nouveau souverain. Lui qui, depuis longtemps, professait
des opinions libérales, était décidé à accepter et servir une monarchie constitutionnelle qui
serait accompagnée d’une certaine forme de liberté. Après quoi, demeurant à son
poste à Rouen, il attendit la suite des événements.
*
Le roi Louis XVIII, après des années d’exil difficiles à travers
l’Europe, était devenu un homme profondément sceptique, qui avait perdu beaucoup de
ses illusions sur la sincérité des individus.
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