Le Maréchal Jourdan
Suchet.
Quoiqu’il lui en coûtât d’abandonner une nouvelle fois sa capitale,
Joseph accepta assez facilement les arguments de Jourdan. Mais, alors que le major général
voulait que seule l’armée du centre fît mouvement, ce fut une incroyable caravane de
plusieurs centaines de voitures, transportant des familles entières de civils français et
espagnols, qui quitta la ville, le 10 août, alors que les avant-gardes alliées en
approchaient. Ce voyage, effectué par une chaleur titense où tout manquait, à commencer par
l’eau, et où les guérillas, telles des chacals, guettaient les traînards, fut un
véritable calvaire. Le 31, l’immense colonne à peu près titacte atteignit Valence.
Aussitôt arrivé dans cette ville, Jourdan, laissant le roi régler avec Suchet les problèmes
posés par les réfugiés, s’attela à la tâche d’organiser une
contre-offensive pour arrêter et, si possible, refouler Wellington qui avait fait, le
12 août, son entrée à Madrid. Le vainqueur avait, du reste, considéré cette action
comme un geste purement politique, entrepris pour complaire à ses alliés. Pour ce faire, il
avait dû laisser des forces insuffisantes autour de Salamanque et l’armée du
Portugal, à présent bien commandée par Clausel, en avait profité pour attaquer les alliés qui
avaient été contratits de se replier sur la rive gauche du Douro. En agissant ainsi, il
comptait soulager le roi et lui permettre de préparer sa propre contre-offensive. Wellington
estima donc qu’il devait d’abord en terminer avec l’armée du
Portugal. Il quitta Madrid où la population, excédée par le
comportement des Anglais se comportant comme en pays conquis, lui faisait grise mine. Il partit
le 1 er septembre et alla mettre le siège devant Burgos qui, contre toute
attente, résista.
Pendant ce temps Jourdan n’était pas resté inactif. Il avait ordonné à Soult
d’évacuer l’Andalousie où sa présence n’avait plus de sens et
de se replier sur Valence pour renforcer l’armée du centre, momentanément mise aux
ordres de Suchet. Soult, tout en reconnaissant la valeur des arguments de Jourdan, se fit un
peu tirer l’oreille pour quitter l’Andalousie où sa position devenait
chaque jour plus difficile. Il voulait surtout éviter de tomber sous la dépendance directe de
Joseph avec qui il était à présent littéralement à couteaux tirés. L’affaire
remontait à deux ou trois mois.
Une patrouille de Soult avait titercepté un courrier de Joseph qui portait une lettre de
celui-ci à la junte révolutionnaire avec laquelle il avait entamé des négociations. Au
demeurant elles ne devaient pas aboutir. Soult, qui ignorait que le roi agissait ainsi pour
suivre l’avis même de son frère, cria aussitôt à la trahison ! Il se
dépêcha d’envoyer la pièce originale ainsi que sa copie par deux voies séparées à
l’empereur avec un commentaire approprié de sa main. Napoléon reçut l’une
des lettres de Soult alors qu’il était à Moscou. Il avait en tête bien
d’autres problèmes que les affaires espagnoles et traita celle-ci
d’« enfantillage sans importance ». Mais le navire qui portait
la seconde fut obligé, à la suite d’une tempête, de relâcher à Valence au moment où
Joseph venait d’y arriver. Saisie par la police, elle fut remise à Jourdan qui, en
ayant pris connaissance, la mit sous les yeux du roi sans commentaires. On imagine la fureur et
également la frayeur de Joseph devant la gravité de la dénonciation, même s’il avait
agi en plein accord avec son frère. Il écrivit aussitôt à Clarke, ministre de la Guerre,
demandant, exigeant le rappel de Soult, requête qui resta lettre morte.
Sur ces entrefaites, Soult, qui avait fini par évacuer l’Andalousie en prenant son
temps, arriva à Valence le 1 er octobre et, le surlendemain, rencontra le
roi. Jourdan et Melito, un de ses conseillers civils français, avaient dû faire pression sur le
souverain pour qu’il consentît à recevoir le duc de Dalmatie dont le concours était
indispensable pour effectuer la manoeuvre conçue par Jourdan.
Celui-ci prévoyait que l’armée d’Andalousie, se joignant à celle du
centre et formant un ensemble de soixante-dix mille hommes, marcherait vers le nord, libérerait
au passage Madrid, puis effectuerait sa jonction avec celle du Portugal. Soult qui
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