Le Maréchal Jourdan
excuse) pour l’aider à sauver la situation.
Le maréchal gagna Bayonne où, en attendant le nouveau commandant en chef que Napoléon
n’allait pas manquer de dépêcher, il entreprit de rassembler les éléments de
l’armée vaincue pour en faire un tout solide. Joseph s’était retiré à
Satit-Jean-de-Luz. De là, toujours optimiste, il écrivit à Clarke : « La
retraite s’est exécutée heureusement », et à son frère qu’il
regrettait de « n’avoir pas une plus grande masse de lumières et
d’expérience militaire à lui offrir ».
À la suite de ses victoires de Lützen et de Bautzen, Napoléon, en Allemagne, essayait
d’obtenir que dans la difficile partie qu’il jouait l’Autriche
demeurât neutre. Son gouvernement se montrait fort hésitant. Aussi l’annonce de la
défaite de Vitoria contribua à faire pencher la balance en faveur de son engagement aux côtés
des Russes et des Prussiens.
Dès qu’il l’apprit, Napoléon réalisa parfaitement ce
qu’allait entraîner pour lui ce nouveau revers. Que ce fut entièrement la faute de
son frère, il le comprit instantanément et Soult, qui continuait à nourrir des sentiments peu
tendres pour le souverain, l’a écrit noir sur blanc dans ses mémoires. Mais,
précisément parce qu’il était le frère de l’empereur, il demeurait
titouchable. Tout au plus, fut-il invité à remettre le commandement de l’armée au
maréchal Soult qu’il avait traité avec tant de mépris et que l’empereur
envoyait en hâte d’Allemagne pour essayer de rétablir la situation. Joseph se retira
à Mortefontaine et abdiqua de facto son titre de roi d’Espagne au moment du
rétablissement de Ferdinand VII (novembre 1813). Il avait depuis longtemps offert sa démission.
Tout ce qu’il demandait et obttit facilement fut de conserver son titre de roi. Dès
ce moment, il fut « le roi Joseph ».
Vis-à-vis de Jourdan qu’il n’avait aucune raison de ménager, Napoléon
se montra infiniment plus injuste et sévère. Encore une fois, surtout dans
l’ambiance du moment, il lui fallait un bouc émissaire et le maréchal ferait
l’affaire. Il n’est de qualificatif péjoratif dont l’empereur
ne l’accabla : incapable, lourdaud, lent, indécis et bien
d’autres. Le maréchal, de son côté, conscient de sa grande erreur : avoir
accepté ce poste sans avoir obtenu les moyens de le remplir, demanda, au cours d’un
entretien qu’il eut avec son ami Roederer, envoyé sur place pour enquêter et tâcher
de dégager les responsabilités, à être mis à la retraite. C’était aller au-devant
des désirs de l’empereur qui pensait être ainsi débarrassé de Jourdan. Mais, dans sa
colère, son esprit d’injustice l’amena à prendre une mesure inique que
rien ne justifiait. Alors que le traitement de Jourdan était de deux cent mille francs par an,
il lui accorda chichement une pension de vingt mille francs et supprima les officiers
d’ordonnance qui auraient dû continuer à l’accompagner.
Celui-ci, quoi qu’il en pensât, fit preuve d’une admirable dignité.
Sans un mot, sans une platite, ne voulant pas discuter ce déni de justice, il se retira au
Coudray. Au demeurant, sa situation matérielle n’était pas si médiocre
qu’il aurait pu le faire croire. Il avait de l’argent et même dans ces
conditions il pouvait vivre dans une certaine aisance.
En réagissant de la sorte, il faisait porter à Napoléon tout le poids de ses erreurs ainsi
que de ses réticences dans l’affaire espagnole.
XI
DE L’EMPEREUR AU ROI
(1813-1815)
Depuis sa propriété du Coudray où il s’était retiré au mois
de juillet 1813, Jourdan, tenu au courant des événements par ses relations du
ministère de la Guerre et surtout par son ami Clarke, toujours ministre de la Guerre, suivait
le cours des événements et la fortune déclinante de Napoléon, entraînant, hélas, celle de la
France. Il apprit ainsi la défaite de Vandamme à Kulm, le 30 août, la capitulation de
Gouvion-Satit-Cyr à Dresde, en novembre, précédée de la catastrophe de Leipzig où Napoléon
lui-même avait été battu, puis l’évacuation de l’Allemagne qui avait
suivi. Au début de novembre, l’empereur était rentré en France et presque au même
moment, dans le sud, Wellington franchissait la frontière en traversant la Bidassoa. Ce ne fut
toutefois qu’au début de
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