Le maréchal Ney
maladie en avaient eu raison. En outre, ils avaient dû abandonner leur artillerie et leurs bagages. Comme Ney pénétrait derrière eux dans le Tyrol, ils se jetèrent, pour lui échapper, dans l’Arlberg où ils se séparèrent.
Jellachich remonta à l’ouest vers Constance et vint donner dans le corps d’Augereau, devant lequel il dut se rendre. L’odyssée du prince de Rohan fut encore plus extraordinaire. Il n’avait plus avec lui que cinq mille hommes, mais, malgré l’hiver, les cols enneigés et les Français à sa poursuite, il parvint à traverser les Alpes et déboucha en Vénétie... sur les arrières de Masséna, lequel n’eut aucune peine à lui faire mettre bas les armes.
Le même jour où il était entré à Innsbruck, Ney avait occupé la ville de Hall, un peu en aval sur la rivière. Pour l’instant, il estimait plus réaliste d’arrêter son avance, car il sentait la population tyrolienne, fidèle par tradition aux Habsbourg, très hostile à ceux qu’elle considérait comme des envahisseurs. Quelques Français se déplaçant isolément avaient déjà été pris à partie. Mais l’empereur, à qui ces considérations échappaient complètement, lui enjoignit d’occuper Salzbourg et de continuer son mouvement vers Leoben, d’où il pourrait tendre la main à Marmont. Il fut donc contraint d’éparpiller ses forces sur plus de cent kilomètres, alors que précisément il aurait voulu les garder concentrées.
Ce grave souci lui fit oublier que lui, amateur de flûte, mettait ainsi la main sur la patrie de Mozart. Il n’avait pas tort. Les prémices d’une révolte se voyaient chaque jour. Des bandes de paysans sans desseins précis se formaient, même s’il était assez aisé de les disperser. Ney participa personnellement à ces actions. Son excellente connaissance de l’allemand, son aptitude à mener les hommes et ses menaces d’utiliser la manière forte en faisant fusiller les meneurs, se révélèrent parfaitement efficaces. L’agitation finit par cesser d’elle-même. Il faudra attendre quatre ans et un autre conflit pour que le Tyrol prenne les armes contre les Français.
Le maréchal s’était logé à Innsbruck au château impérial, résidence du gouverneur consigné dans un appartement. Il ne s’y plut qu’à moitié, comme il l’écrivit à sa femme. La bâtisse était trop imposante. Lui et ses officiers se perdaient dans les corridors ! Il montra beaucoup de dépit de n’avoir pas pu participer à la bataille d’Austerlitz, même s’il apprit qu’avant l’affrontement, Napoléon, toujours aimable, avait dit aux autres maréchaux réunis :
— Que n’ai-je mon Ney pour en donner à ces bougres-là !
Toutefois, avant la fin de l’année, il eut à Innsbruck une satisfaction personnelle doublée d’une surprise. Sans être prévenu, il vit paraître un cavalier pourtant bien peu masculin : Ida Saint-Elme, toujours amoureuse et pleine d’entrain, prête à parcourir la moitié de l’Europe pour revoir son héros. Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, s’enfermèrent dans les appartements du maréchal pendant deux jours. Puis, gorgé de tendresse, Ney, fort peu galant, mit sa belle amie en voiture et la réexpédia en France.
À présent que la paix était signée à Presbourg (26 décembre 1805) et que les Russes avaient eu « la permission de se retirer », bon nombre d’officiers et de soldats pensaient que l’armée allait rentrer en France pour une longue période. Ney en était convaincu comme ses camarades et prenait ses dispositions pour quitter le Tyrol, où les communications étaient difficiles et le ravitaillement aléatoire. En accord avec le grand quartier général impérial, il comptait diriger dans un premier temps ses divisions vers la Souabe et lui-même s’établir provisoirement à Augsbourg. Une lettre confidentielle de Berthier vint tempérer son optimisme. Le major général lui recommandait de rester vigilant, de recompléter ses effectifs et d’entraîner ses hommes. L’attitude de la Prusse était suspecte et celle de la Russie ambiguë. Au même moment, le Moniteur annonçait le prochain retour des troupes en France.
Avec son solide bon sens, Jomini fit remarquer que si on le proclamait si haut et si ouvertement, c’était pour égarer de futurs adversaires. Dès lors, Ney se résigna à demeurer quelque temps en Allemagne. Ce n’était peut-être pas le moment d’y faire venir Eglé. La presse
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