Le maréchal Ney
centre, comprenait le premier corps de Bernadotte, le deuxième de Davout, la garde et la réserve générale de cavalerie. À sa droite, le quatrième corps de Soult s’appuyait sur le sixième de Ney. Connaissant le caractère ombrageux, susceptible et bouillant de ce maréchal, Napoléon avait écrit le 5 octobre à Soult de se montrer aussi diplomate que possible avec son camarade. Il redoutait que la mésentente ne se mît entre eux. Soult devait faire son profit de ce conseil.
Enfin à gauche du corps principal, le cinquième de Lannes et le septième d’Augereau, numériquement un peu plus faibles, complétaient le dispositif. Celui-ci n’était pas sans risques, car un ennemi sachant tant soit peu manoeuvrer aurait pu tomber sur la colonne de gauche et l’anéantir.
Les Prussiens, dont le gros de l’armée campait autour d’Erfurt et avait un détachement sur la Saale, ne bougèrent pas. Leur immobilité, fruit de leur incertitude quant à la marche à suivre, facilita le mouvement de Napoléon. Dans l’affrontement qui allait suivre, cent soixante mille Français se heurteraient à cent trente mille Prussiens et auraient donc l’avantage numérique.
Les ennemis ne vinrent au contact que le 9 octobre. Napoléon avait tourné l’ennemi, mais ne parvenait toujours pas à saisir ses intentions. Le duc de Brunswick, comprenant enfin qu’il allait être coupé de ses bases, se mit en retraite vers l’est avec quelque lenteur. Le 12, croyant avoir devant lui le gros de l’armée ennemie, l’empereur avança sur Iéna en envoyant Davout au nord pour lui barrer la route de Berlin.
En réalité, les deux commandants adverses commirent la même erreur, estimant qu’ils allaient se heurter à presque toutes les forces ennemies alors qu’ils n’avaient devant eux qu’un corps isolé. Afin de s’assurer une position avantageuse,
Napoléon, ayant occupé la ville d’Iéna, commença à escalader le plateau du Landgrafenberg qui la domine. Il s’y installa dans la soirée du 13 au 14 octobre, avec le cinquième corps et la garde. Soult passé à gauche et Ney toujours à droite étaient demeurés dans la plaine, ne devant intervenir que le 14 au matin.
Cependant, sur le plateau, Napoléon s’impatientait. L’artillerie n’arrivait pas. Il finit par redescendre vers la ville pour découvrir que toutes les pièces étaient bloquées dans un chemin creux particulièrement étroit. Les fusées des roues étaient coincées par des rochers. Le général commandant l’artillerie était retourné souper à Iéna avec son état-major, laissant ses hommes se dépêtrer de la situation comme ils pouvaient. L’empereur fut pris d’une colère froide. Un falot à la main, il éclaira lui-même le travail des sapeurs qui élargissaient la voie à coups de pic. Puis on hissa les pièces.
Le 14 octobre au matin, un brouillard épais couvrait aussi bien la plaine que le plateau. Napoléon, ne sachant pas exactement ce qu’il avait en face de lui, ne se pressait pas d’attaquer. Tandis que Soult se glissait dans un vallon arrosé par un petit ruisseau, le Mûhltha, Ney, sur la droite, remontait le cours du Steinbach. Comme les ordres n’arrivaient pas, il décida d’escalader le plateau dans la brume. En vain Jomini essayait de lui expliquer pourquoi il devait attendre. Pour s’en débarrasser, Ney l’expédia au quartier général demander des instructions.
Après quoi, prenant la tête de son avant-garde et prescrivant au reste du corps de suivre, il commença l’ascension du Landgrafenberg. Lorsqu’il déboucha sur le plateau, le brouillard se dissipait. Le corps de Lannes s’était contenté jusque-là d’échanger des coups de feu isolés avec des tirailleurs prussiens. Mais Ney découvrit brusquement tout le corps de Hohenlohe, cinquante bataillons que soutenait une batterie de trente-six canons. Pour Ney, il n’était pas question de reculer. « Le vin est tiré, il faut le boire », dit-il. Et il engagea la bataille.
Il avait raison d’agir de la sorte, car les Prussiens furent complètement surpris. Il en dérangeait pas moins les plans de l’empereur. Avant que les ennemis aient eu le temps de se ressaisir, Ney avait lancé sa cavalerie sur la batterie qui venait d’ouvrir le feu contre lui. En enlevant ses hussards, le général Colbert lança son célèbre : « En avant, pète qu’a peur ! » Et il sabra les servants sur leurs pièces. Mais Hohenlohe, comprenant le danger
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