Le maréchal Ney
sembla, ainsi qu’à Jomini, une hypothèse vraisemblable. Aussi le maréchal, afin de prévenir toute approche des Autrichiens, décida-t-il d’enlever un bois sur le plateau dominant Elchingen,
Un régiment d’infanterie, le 69 e de ligne, y pénétra. Comme pour donner raison à Ney, à l’autre extrémité du boqueteau attendaient, formés en carré, plusieurs grosses unités d’infanterie autrichiennes. Ney dut faire donner sa cavalerie. Le 18 e dragon enfonça l’un d’eux, en sabra une partie et captura le reste. Aussitôt les autres, tout en maintenant leur formation, reculèrent vers le village d’Haslach puis vers Ulm. Ney ne disposait pas suffisamment de cavalerie pour les inquiéter. Il avait réussi à mener à bien l’opération dont l’avait chargé l’empereur, et trois mille prisonniers restaient entre ses mains.
Tout en lui exprimant sa satisfaction et en fermant les yeux sur son altercation avec Murat, Napoléon ne lui laissa pas le temps de souffler. L’encerclement d’Ulm par l’armée française était pratiquement réalisé. Toutefois, la ville était dominée par deux hauteurs, le Michelsberg et le Frauenberg. Tant qu’elles demeureraient aux mains des Autrichiens, le siège d’Ulm serait difficile à entreprendre. Napoléon décida de s’en emparer. Ney fut chargé d’enlever la première et Lannes la seconde. Ils devaient agir de concert.
Le 15 octobre au matin, le sixième corps ayant gagné sa base de départ, Ney voulut profiter de l’effet de surprise et lança ses divisions à l’escalade du Michelsberg. Lannes, qui se déployait encore à gauche, n’était pas prêt et du reste attendait l’heure fixée par l’empereur pour attaquer. En fait Ney, sur le terrain, ayant une meilleure vue de la situation, avait eu raison de précipiter le mouvement. Les Autrichiens tentèrent une contre-attaque qui stoppa un instant les Français.
Lannes, qui suivait à la lorgnette le déroulement de l’engagement, prévint aussitôt l’empereur qui se mit à vitupérer Ney :
— Pourquoi s’est-il engagé ? Je lui avais dit d’attendre. Il est toujours le même. Il faut qu’il tombe sur l’ennemi dès qu’il l’aperçoit !
Et il dépêcha au maréchal le général Dumas pour lui ordonner de s’arrêter et d’attendre que Lannes arrive à sa hauteur.
— La gloire ne se partage pas, lui répondit Ney avec superbe.
En réalité il s’était rendu maître de la situation, avait poursuivi son offensive et constaté que les troupes autrichiennes ne tenaient pas devant les siennes. En quelques instants, malgré la raideur des pentes rendues glissantes par la pluie, ses divisions débouchèrent sur le plateau et s’en rendirent maîtresses. Le Michelsberg était pris. Ney y fut peu après rejoint par Lannes. Désormais surplombé par deux corps d’armée français, la situation de Mack était désespérée.
Alors s’ouvrit la phase des négociations. Dès le 15 au soir, agissant de son propre chef, Ney avait eu une entrevue avec Mack. Il l’avait tellement rudoyé, à son habitude, que l’Autrichien en était resté tout abasourdi et se déclarait déjà prêt à signer une capitulation aux conditions qui lui seraient imposées. Informé du procédé, Napoléon commença par donner raison à Ney. Puis, considérant qu’il fallait tout de même se montrer poli et civilisé, il dépêcha à Ulm Philippe de Ségur, son aide de camp. Celui-ci fit preuve de courtoisie, mais sans changer en rien les conditions de la capitulation.
Mack essaya de tergiverser avant de finir par accepter de rendre la place dans les six jours, car il était à bout de vivres.
En le quittant, l’Autrichien fit remarquer à Ségur :
— Dites-lui (à l’empereur) que le maréchal Ney m’a traité bien durement, que cela n’est point ainsi qu’on traite...
Lorsque le 19 octobre Mack eut signé la capitulation, Napoléon, pour lui exprimer son contentement, décida que le corps de Ney entrerait le premier dans la ville et qu’en outre ce serait lui qui organiserait le défilé des vaincus rendant leurs armes avant de partir en captivité. Le 20 octobre, sur les pentes du Michelsberg et du Frauenberg, les divisions des deux maréchaux Ney et Lannes, déployées en bataille, eurent la satisfaction de voir passer devant elles, bataillon après bataillon, les vingt-sept mille Autrichiens qui restaient à Mack. À l’inverse de leurs généraux pleins de tristesse, les soldats
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