Le maréchal Ney
semblaient las de se battre et, raconte Marmont dans ses Mémoires, se montrèrent plutôt heureux de se débarrasser de « leur attirail militaire ». Tous les autres avaient été tués ou pris. Bien peu avaient réussi à s’enfuir et, rattrapés, ils mettraient à leur tour bas les armes. En outre, il y avait dans la place deux cents canons, un immense matériel et trois mille chevaux en bonne condition que les Français s’empressèrent de saisir pour remplacer partiellement ceux qu’ils avaient perdus.
Devant Napoléon s’entassaient fusils, sabres et drapeaux, et tandis que Mack était autorisé à rejoindre le quartier général autrichien pour y rapporter le sort de son armée, l’empereur donnait déjà des ordres pour reprendre la marche sur Vienne.
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Ney et le sixième corps ne participèrent pas à cette phase de la campagne qui allait conduire les Français à Austerlitz. Comprenant qu’à ce caractère entier, il fallait donner l’occasion de mettre en relief sa personne sans qu’il soit bridé par des supérieurs tatillons, Napoléon l’avait chargé d’une mission où il opérerait seul. Son corps d’armée ne comptait plus à ce moment que dix mille hommes, mais l’empereur et le maréchal estimèrent que ce serait suffisant pour courir après Jellachich et le prince de Rohan. En même temps, il devrait occuper le Tyrol.
Cette province autrichienne montagneuse, traversée d’ouest en est par la rivière Inn, est un des principaux points de passage entre l’Italie et les plaines d’Allemagne. L’armée autrichienne du Milanais, forte de cent mille hommes, pouvait être tentée de traverser le massif, soit pour tomber dans le dos des Français, soit pour se joindre aux autres forces de la coalition qui se concentraient en Moravie. Ney devait donc agir avec célérité, malgré des conditions météorologiques de plus en plus défavorables et avec des soldats aux limites de l’épuisement.
Depuis Ulm, la route la plus directe – mais pas la plus facile – pour gagner Innsbruck, capitale du Tyrol, passait par Memmingen, Kempten et Reutte. A partir de cette localité, un chemin de montagne conduisait jusqu’au col de Fera (Fernpass) puis dévalait sur la vallée de l’Inn. Ney lui préféra celle plus à l’est qui traversait les villages de Garmisch puis, par Mittelwald et le col de Scharnitz, permettait de descendre directement sur Innsbruck. Mais elle était verrouillée par les forts de Scharnitz, Reutosh et Kufstein. Tous trois étaient armés d’une puissante artillerie et défendus par de fortes garnisons. Un siège en règle aurait dû prendre un temps considérable. L’annonce de la capitulation d’Ulm avait découragé les gouverneurs des deux premiers et en recevant de Ney des ultimatums dans le style énergique dont il avait le secret, ils se hâtèrent de hisser le drapeau blanc.
Mais le commandant du fort de Kufstein, moins impressionnable, commença par refuser toute négociation. Par chance, le général Roguet, qui avait fait campagne dans la région, se souvint qu’il existait un sentier de chèvres qui contournait l’ouvrage hors de sa vue et permettait d’aboutir à sa gorge. On le chercha, on le trouva. Roguet se mit à la tête de plusieurs bataillons, les hommes avançant à la queue leu leu, et déboucha sur l’arrière du fort où on ne l’attendait pas. Les Autrichiens se rendirent.
Continuant sa marche, Ney entra le 16 novembre dans Innsbruck. La ville ouvrit ses portes sans coup férir. C’était, outre le pont sur la rivière, un des grands arsenaux de l’empire autrichien. Les Français mirent la main sur seize mille fusils neufs, dont un certain nombre de carabines rayées, armes de grande précision dont la fabrique d’Innsbruck s’était faite la spécialité, une vingtaine de canons, un important stock de poudre et de nombreux lingots de plomb destinés à fondre des balles.
Depuis trois jours, Napoléon était entré dans Vienne.
Cependant Jellachich et le prince de Rohan se trouvaient dans une position de plus en plus difficile. Envoyés à Memmingen par Mack pour y renforcer le petit corps du général Spangen, ils avaient échappé de justesse à la capitulation devant Soult et s’étaient repliés sur le Tyrol, espérant pouvoir résister plus aisément dans un massif montagneux. Disposant au départ de forces plus importantes que Ney, qu’ils savaient sur leurs talons, ils les avaient vu fondre : les désertions, la
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