Le maréchal Ney
porter au gouverneur un ultimatum. Il y soulignait que si ce dernier ne rendait pas la ville, elle serait prise d’assaut et tous ses occupants, garnison et habitants, passés au fil de l’épée.
Le baron von Kleist ne s’émut pas pour si peu. Il fit remarquer, non sans ironie, que pour prendre sa ville d’assaut, il fallait pratiquer une brèche dans les murailles et que de brèche il ne voyait point. Après quoi, il fit poliment raccompagner le plénipotentiaire. Vandamme ne savait trop que penser jusqu’au moment où le général von Wartensleben, qui l’escortait jusqu’aux portes de la ville, lui confia : « Faites jeter quelques bombes dans la place et vous verrez que ce vieil entêté finira par se rendre. »
Ce fut pour Vandamme et Ney un trait de lumière. Le moral de la garnison devait être au plus bas. On allait l’amuser quelques jours, le temps de faire venir un minimum d’artillerie. Ce fut ce que Ney écrivit à Clarke, en lui demandant avec insistance des mortiers.
Les hommes, troquant le fusil contre la pelle et la pioche, commencèrent à élever des travaux d’investissement dans toutes les règles de l’art. Von Kleist, qui connaissait mieux que personne la précarité de sa situation, ne tenta même pas une sortie pour bouleverser l’élévation des ouvrages, ce qui confirma Ney dans son opinion.
Entre-temps, une certaine artillerie de siège, si l’on peut dire, était parvenue dans le camp français : deux obusiers et un mortier ! Sans en attendre davantage, le maréchal commença à envoyer quelques bombes et obus par-dessus les murailles. Pour faire croire à l’importance de son parc, il obligeait ses artilleurs à changer sans arrêt ses pièces de position. Le résultat ne se fit pas attendre. Un Allemand se présenta à l’état-major. C’était le directeur des salines de Schônbeck, situées à Magdebourg, qui suppliait, moyennant finances, que l’on voulût bien épargner ses installations. Ney se montra d’autant plus accommodant qu’il entrevoyait tout le profit matériel et moral à tirer. De toute manière, rien ne pouvait se faire sans en avoir au moins entretenu le général von Kleist.
Il envoya donc son aide de camp, le colonel Bechet, « causer ». Entre les deux négociateurs, le général prussien et le colonel français, s’engagea une extraordinaire partie de poker. Chacun, tout en croyant deviner le jeu de l’autre, cachait le sien en en faisant miroiter les avantages. Mais en réalité les dés étaient pipés. Par le bavardage de déserteurs, les Français savaient parfaitement que l’état d’esprit des troupes assiégées était déplorable. De leur côté, mener un siège avec aussi peu de moyens tenait de la plaisanterie.
Von Kleist ouvrit le jeu en faisant défiler ses régiments sous la fenêtre de l’hôtel où il recevait le plénipotentiaire français. Ils avaient une assez belle allure et étaient nombreux. Mais Bechet ne tarda pas à remarquer que c’étaient toujours les mêmes qui repassaient devant lui. Après quoi on lui servit un magnifique festin en s’excusant de la médiocrité du menu... car il fallait un peu rationner les vivres si l’on voulait tenir longtemps.
De son côté, Bechet s’enquit du résultat du bombardement.
— Trois fois rien, répondit négligemment von Kleist.
— Ah bon ! Je croyais que vos bourgeois dont les maisons ont été incendiées demandent à grands cris que vous négociiez, fit remarquer le colonel.
Là-dessus, on se sépara... en se promettant de reprendre bientôt contact. Tout en continuant à arroser la ville de ses bombes, Ney envoyait chaque jour un émissaire à von Kleist pour le tenir courtoisement au courant des progrès de l’armée française. Berlin était tombée. La population et la garnison de Magdebourg étaient au bord de la révolte. Enfin, le 8 novembre, le gouverneur se résigna à hisser le drapeau blanc et à faire battre la chamade. La place capitulait. Ney se montra bon prince. Il autorisa les officiers à conserver leur épée et la garnison à sortir avec ses armes et à ne les rendre qu’ensuite.
Le 11, les régiments défilèrent devant le maréchal et son état-major, ainsi que le général von Kleist. Ils étaient nombreux, même s’ils ne marchaient pas en très bon ordre.
— Nous voilà bientôt à la fin ? demanda Ney à son voisin, car il trouvait qu’ils étaient vraiment très nombreux.
— Pas encore à la
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