Le maréchal Ney
maintenir le contact. En route, Ney raflait des milliers de soldats prussiens déjà dépassés par Murat et complètement désemparés. Le 16, le grand-duc de Berg était arrivé devant Erfurt, place fortifiée qui commença par refuser de se rendre à de la cavalerie. Ney rallia dans la nuit et la ville capitula avec huit mille hommes de garnison. Tandis que Murat reprenait sa course, Ney découvrait que résidait dans la ville le maréchal von Mollendorf, ancien compagnon de Frédéric II. Il prit le temps de lui faire une visite de courtoisie. À l’étonnement du Prussien, il étala ses connaissances, montrant, et pour cause, qu’il connaissait à fond la bataille de Rossbach. Après quoi, avant de quitter la ville, il la frappa d’une contribution de guerre de trois cent mille francs, en théorie pour l’entretien de son corps d’armée, mais qu’il mit dans sa poche. Napoléon, qui savait à quoi s’en tenir sur la rapacité de ses maréchaux et qui fermait les yeux, se contenta, un peu plus tard, de rappeler à Ney qu’avant de procéder à une telle réquisition il devait en parler à Berthier. Ce n’est pas la dernière fois que Ney agira de la sorte. L’esprit désintéressé de l’officier républicain de l’armée du Rhin était loin !
Et la poursuite reprit. Avec quelque inquiétude, Ney, quoique talonné par les ordres de l’empereur, voyait son corps d’armée commencer à fondre, car il laissait nombre de malades et de traînards derrière lui. Après Erfurt, les Prussiens avaient pivoté vers le nord, esquissant une grande boucle pour regagner Berlin. L’armée française effectua un changement de route identique. Ney était renforcé par Soult. Tous deux éprouvaient des difficultés semblables à « coller » à Murat. Le 19 au soir, celui-ci parut devant Magdebourg. Soult et Ney arrivèrent le 20. Tous trois comprenaient qu’il ne pouvait être question de laisser derrière soi une place de cette importance.
Le même jour, un ordre du quartier général apporta la solution. Murat et Soult continuaient la chasse. Ney devait assiéger la ville. Était-ce une manière de punir son comportement à Iéna ? En tout cas, il le considéra comme tel.
*
Magdebourg, bâtie au confluent de l’Elbe et de l’Ohre en Saxe, à environ soixante-dix kilomètres de Berlin, était une forteresse de premier plan. Son système de fortifications ceintes de fossés profonds était très complet, ses murailles en excellent état. Sa garnison s’élevait à vingt-deux mille hommes s’appuyant sur trois cents canons. Sur le papier, cela constituait un ensemble formidable.
Dans la réalité, les troupes comprenaient un certain nombre de miliciens dont l’ardeur guerrière n’était pas la principale vertu. Sur les pièces d’artillerie du parc, plusieurs dizaines dataient du siècle précédent et n’étaient plus bonnes qu’à décorer les remparts. Mais Magdebourg restait une citadelle bien défendue. Son gouverneur, le général baron von Kleist, ne se faisait aucune illusion. Le prince de Hohenlohe, en traversant la ville, ne lui avait pas fardé la vérité : il ne devait attendre aucun secours et essayer de tenir le plus longtemps possible en immobilisant le maximum de troupes françaises.
Outre les considérations purement militaires, Napoléon avait une raison de voir capituler Magdebourg, qu’ignoraient ses maréchaux, mais que lui avaient fournie ses services de renseignement. Il savait que dans les coffres de la principale banque de la ville étaient stockés une grande quantité de bijoux appartenant à des familles régnantes en Allemagne, et il désirait se les approprier.
La tâche confiée au maréchal Ney n’était pas simple. On lui demandait de s’emparer d’une place forte sans lui donner les moyens d’en faire le siège. De son corps d’armée, il n’avait que la moitié à disposition, mais le reste allait arriver les jours suivants. Seulement, en dehors de quelques batteries de campagne, il ne disposait d’aucune artillerie lourde. Pour ne pas gêner la rapidité de ses mouvements, l’armée n’en traînait pas avec elle. Le parc de siège le plus proche se trouvait à Mayence et le faire venir allait demander plusieurs semaines. Ney s’y résigna, et comme en attendant il fallait improviser, il décida d’utiliser la méthode du bluff qui lui avait jusque-là réussi. Il envoya le général Vandamme, qui comme lui parlait parfaitement l’allemand,
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