Le maréchal Ney
ainsi ses forces.
Cependant, Moore avait atteint La Corogne... pour y trouver la rade vide de transports. Il fut donc obligé d’accepter la bataille. Mais, dans l’arsenal, il trouva vingt mille fusils anglais neufs destinés aux troupes espagnoles. Sans hésiter, il les prit et les distribua aux siennes dont les armes étaient détériorées par la pluie et la boue et il augmenta grandement ainsi sa puissance de feu. Puis il fit creuser des tranchées.
Soult, quand il découvrit La Corogne et les dispositions défensives anglaises, ne se dépêcha pas d’attaquer. Plus tard, il devait soutenir que ce retard était dû au fait que Ney n’était pas venu le renforcer. De son côté, Ney déclara que Soult, qui voulait s’attribuer tout le mérite de la victoire, avait refusé le secours des divisions que son camarade lui avait proposées. Il est certain que tous deux eurent des torts. Leur inimitié était désormais de notoriété publique.
À la fin du compte, les transports britanniques étant arrivés, le plus gros des troupes anglaises put s’embarquer, évitant de justesse d’être jetées à la mer. Elles abandonnaient presque toute leur artillerie, leurs bagages, leurs chevaux qui furent froidement abattus sur la plage, et perdaient leur général tué dans les derniers moments de l’action retardatrice. Après la bataille, Soult, qui continuait sa progression vers le Portugal, remit la Galice au sixième corps et Ney occupa les ports de La Corogne et du Ferrol.
La nouvelle mission que lui définit Berthier par lettre consistait à défendre cent lieues de côtes et à pacifier deux provinces : Galice et Asturies. Il ne disposait que de seize mille hommes, bientôt réduits à douze mille. Il décida en conséquence de tenir un certain nombre de places, ports et carrefours routiers avec de fortes garnisons, contre lesquelles tout assaut espagnol se briserait. Dans le même temps, avec plusieurs colonnes mobiles, il sillonnerait le pays afin de pourchasser les guérillas. Ce n’était sans doute pas la meilleure méthode pour procéder à une pacification, Ney le savait, mais il n’avait pas suffisamment de moyens pour en appliquer une autre.
Les atrocités espagnoles se perpétuant, les soldats brûlèrent les villages et fusillèrent les habitants, quels que soient leur âge et leur sexe. Puis, répondant à la terreur par la terreur, Ney ordonna de pendre les rebelles, se rappelant opportunément la parole de Montluc, « qu’un pendu faisait beaucoup plus d’effet qu’un fusillé ». Il écrivit à ce propos : « On nous fait une guerre bien cruelle. » Et sa colère se porta en particulier contre le clergé qui excitait les paysans.
Jomini, de son côté, expliquait l’impuissance française en déclarant : « Nous ne savions absolument que ce que nous pouvions voir de nos propres yeux. »
En fait, les chefs de guérilla, tel Juan Diaz Porlier dit El Marquesito en Galice, tenaient la campagne, contrôlaient les routes et abandonnaient les agglomérations. Mélange de soldats, de bandits, de contrebandiers et de paysans, leurs bandes étaient à l’abri dans les massifs montagneux et leur mobilité les rendait difficiles à accrocher.
Comme il savait que la bourgeoisie galicienne soutenait par tous les moyens la rébellion, en particulier en lui procurant de l’argent, Ney la taxa de lourdes contributions dont il mit une partie dans sa poche. Ce fut en vain que les employés des services civils de Joseph se plaignirent qu’après le passage du maréchal, il était impossible de percevoir le moindre impôt.
Ney s’était installé à La Corogne. Il avait établi son quartier général dans le palais du gouverneur, après en avoir expulsé les occupants. Dans l’ambiance d’insécurité qui régnait, il n’était pas question de cohabitation. Mais, d’entrée de jeu, il fut à même de montrer aux Espagnols le côté chevaleresque de son caractère. Un officier anglais, Charles Napier, avait été abandonné sur la plage, blessé au moment de l’embarquement de son armée. Il avait été transporté à l’hôpital et y gisait abandonné dans un coin quand, presque par hasard, Ney, qui venait d’arriver à La Corogne, tomba sur lui et ordonna qu’on lui apportât tous les soins nécessaires. Or ce Charles Napier n’était pas n’importe qui et avait de puissantes relations en Grande-Bretagne. Là-dessus un officier anglais, le capitaine Winter, débarqua en
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