Le maréchal Ney
ambassadeur de Russie, et l’affaire faillit se terminer sur le terrain. À la fin de l’hiver 1808, il se plaignit de rhumatismes, conséquence de la vie rude menée au cours de ses dernières campagnes. Son médecin l’envoya prendre les eaux à Barèges, dans les Pyrénées. Cette station thermale était à la mode et un certain nombre d’officiers généraux y avaient déjà séjourné. Ney qui, l’année précédente, aspirait tant à la paix, la jugeait insupportable. Il pouvait être tranquillisé. Même s’il allait à son retour à Paris acquérir les Coudreaux, il n’allait même pas y séjourner un mois : un nouveau conflit auquel la France était partie prenante venait d’éclater en Espagne.
C HAPITRE VII
« UNE GUERRE DE COMÉDIE »
(1808-1809)
La guerre d’Espagne est la première dans laquelle la France napoléonienne est la puissance assaillante. L’empereur avait depuis un certain temps des vues sur la péninsule ibérique dont il estimait (à raison) la dynastie régnante en pleine décadence. Le non-respect par les Espagnols du blocus continental ne fut pour lui qu’un mauvais prétexte.
En octobre 1807, avait été signé à Fontainebleau un traité entre le gouvernement du roi Charles IV et la France, afin de se partager le Portugal jugé trop inféodé à la Grande-Bretagne. Dès lors, il parut normal que des troupes françaises franchissent la frontière des Pyrénées pour aller prendre part à la future occupation du royaume des Bragance. Ce fut ainsi que Mortier se trouva en Navarre, Moncey à Burgos, Dupont, qui était venu chercher un facile bâton de maréchal, à Valladolid et Junot en route vers Lisbonne.
Ces soldats français furent, au début, regardés par les Espagnols sans hostilité. Mais ils produisirent sur eux une médiocre impression. Napoléon avait jugé inutile d’envoyer dans le sud les meilleures unités de la Grande Armée demeurées en Allemagne, puisqu’il s’agissait d’une promenade militaire. Nos régiments étaient formés de conscrits sans grande résistance physique. Beaucoup savaient à peine tenir un fusil. Peu à peu, cependant, la prise de possession de points stratégiques par les Français commença à inquiéter quelques esprits clairvoyants. Puis Murat, nommé lieutenant général de l’empereur, partit en février 1808 avec les instructions les plus vagues.
Pourtant, tout se déroula bien jusqu’au fameux guet-apens de Bayonne, où le roi Charles IV abdiqua en faveur de son « bon ami Napoléon ». Aussitôt, la révolte éclata d’un bout à l’autre de l’Espagne. Tout un peuple se souleva en faveur du fils de Charles IV, Ferdinand, qui ne méritait pas une telle adoration.
Circonstance aggravante, le gouvernement britannique, sollicité par plusieurs des juntes insurrectionnelles qui s’étaient créées un peu partout, commençait à envisager d’utiliser la péninsule ibérique comme champ de bataille contre les Français. Un corps de débarquement fut donc constitué. La situation se gâtait en Espagne. Dupont, un des meilleurs généraux de la Grande Armée, s’était avancé dans le sud pour donner la main à l’amiral Rosily, dont les vaisseaux, depuis Trafalgar en 1805, mouillaient toujours à Cadix. Il fut contraint de capituler le 20 juillet à Bailen, en Andalousie, devant une « poignée de brigands ».
Du coup, le roi Joseph, passé sans plaisir de Naples à Madrid et qui était entré le même jour dans sa nouvelle capitale, se hâta de décamper le surlendemain. Il se réfugia à quarante lieues de la frontière française, à Burgos, sous la protection de soixante mille baïonnettes commandées par Bessières et Moncey. Puis il demanda de l’aide à son frère.
Le 3 août, Ney, qui venait de rentrer à Paris et se préparait à villégiaturer dans l’Eure-et-Loir, reçut l’ordre de partir en Espagne et de s’y mettre à la disposition du roi. Dans le même temps, l’empereur précisait à son frère que, s’il s’entendait avec lui, Ney pourrait lui servir de général en chef. Le maréchal s’éloigna de Paris assez soucieux. D’ailleurs, preuve qu’il prenait l’affaire au sérieux, il emmenait avec lui plusieurs de ses meilleurs officiers, dont Jomini et Colbert. Néanmoins, pour rassurer sa famille, il écrivit un peu plus tard à Mme Campan (18 octobre 1808) : « Nous faisons ici une guerre de comédie... Les Espagnols sont dégoûtés de cette guerre. » Il voulait surtout
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