Le Maréchal Suchet
étrangères pénétrer sur leur territoire. En attendant, la 23 e division poursuivant sa progression atteignit Thonon, puis Évian, mais arrêta là son avance en apprenant l’approche des avant-gardes autrichiennes.
Le soir du 23 juin, Suchet apprit à la fois la défaite de Waterloo, le retour de Napoléon à Paris et son abdication, ainsi que la constitution d’un gouvernement provisoire présidé par Fouché. Ces nouvelles, fort graves, changeaient radicalement pour lui les données du problème. Aussi, dès le lendemain, il écrivit à Davout, toujours ministre de la Guerre, pour l’informer que, suivant l’autorisation du gouvernement provisoire, il allait envoyer deux parlementaires au quartier général autrichien afin de demander une suspension d’armes fondée sur les événements politiques, de courte durée, prélude à un armistice, car les hostilités n’avaient plus de raisons d’être. En même temps, il faisait lire à ses troupes la proclamation de Davout, datée du 22, par laquelle celui-ci espérait que l’Empire perdurerait en la personne du roi de Rome.
Mais surtout Suchet prenait ses dispositions pour éviter qu’à l’annonce de ces bouleversements politiques les soldats ne désertent en masse car, comme Davout, il considérait que pour l’heure les hostilités n’étaient pas terminées, ce en quoi il ne se trompait pas.
Le haut commandement autrichien dans les Alpes, en la personne des généraux Frimont et Bubna, avait eu quelque peine à admettre que la faible armée française eût pu prendre l’offensive avec le succès que l’on sait. Aussi, dans le cadre général de la lutte contre Napoléon et ces Français incorrigibles, décidèrent-ils de se porter sur Lyon et de l’occuper. D’ailleurs, à leurs yeux, la ville avait fait preuve de mauvais esprit en accueillant triomphalement Napoléon et méritait d’être châtiée. Ils décidèrent donc de pénétrer en France par deux voies : la vallée du Rhône, faisant peu de cas de la neutralité suisse, et celle de la Maurienne.
Malgré leur formidable supériorité numérique, ces deux corps d’armée progressèrent avec un maximum de précautions et beaucoup de prudence, car leurs chefs gardaient en mémoire les nombreuses défaites que leur avaient infligées les Français. Mais, cette fois-ci, le rapport de forces était par trop défavorable à ces derniers. Les officiers envoyés par Suchet à Frimont ainsi qu’à Bubna furent reçus assez froidement. Ils offraient d’arrêter les combats sur les positions respectives du moment. Les Autrichiens refusèrent, exigeant d’un côté un retrait jusqu’à Grenoble et Fort l’Écluse et de l’autre toute la région comprise entre Chambéry et Annecy.
De telles prétentions entraînèrent automatiquement un rejet de la part des envoyés de Suchet. Celui-ci avertit Davout et demanda de nouvelles instructions, insistant sur le rapport des forces, et suggérant qu’on lui envoyât des renforts.
Mais les Autrichiens éprouvèrent des mécomptes, se heurtant à une résistance aussi féroce qu’inattendue. Bugeaud, en la circonstance, fit des merveilles en défendant « l’hôpital » et en arrêtant avec hardiesse l’avance de l’ennemi. Suchet, qui ne se leurrait pas, renouvela alors sa proposition d’armistice en offrant cette fois de reculer jusqu’à la frontière française. De son côté, Bubna, frappé par la pugnacité de son adversaire, accepta cette suspension d’armes valable jusqu’au 2 juillet à condition que Frimont donnât lui aussi son accord. Ce dernier se déclara « animé du désir de venir à des arrangements préliminaires » et le cessez-le-feu entra aussitôt en vigueur.
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Suchet était sans illusions quant à la sincérité des Autrichiens. Il espérait que l’armistice serait prolongé au-delà du 2 juillet maintenant que Napoléon avait abdiqué ; mais il n’y croyait qu’à demi, d’autant que, si ses divisions évacuaient les territoires qu’elles avaient conquis, les Austro-Sardes qui les suivaient d’assez près s’approchaient de la frontière. Cet armistice leur était favorable, car il leur permettait de faire avancer celles de leurs divisions qui étaient encore éloignées.
Davout, dès le 29 juin, avait télégraphié à Suchet pour lui prescrire de défendre tout le territoire français. « Il ne faut rien céder », écrivait-il. C’était facile à dire ! Suchet n’en avait guère les
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