Le Maréchal Suchet
ils ne disposaient que de trois mille deux cents hommes et de quatre canons, le principal de l’armée sarde soit douze mille hommes demeurant autour de Turin. Aussi, dès qu’il reçut l’ordre d’ouvrir les hostilités, le duc d’Albufera décida de prendre l’offensive.
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Le corps d’occupation sarde en Savoie était commandé par le général Andezeno qui, le 14 juin, n’avait pris ses fonctions que depuis quarante-huit heures. Ses troupes étaient largement déployées entre Thonon, sur les bords du lac Léman, et Montmélian, afin d’être à même de faire face à une légère incursion des Français. Compte tenu de la nature du terrain, il était impossible d’en réaliser une concentration rapide. De plus, il était pauvre en artillerie, n’ayant à sa disposition qu’une seule batterie réduite à quatre pièces.
Andezeno n’était pourtant pas particulièrement inquiet. Son service de renseignements informé en partie par des prêtres et d’anciens émigrés franchement hostiles à Napoléon croyait en la véracité des données qui lui étaient fournies. Or, ces informateurs avaient tendance à prendre leurs désirs pour des réalités et Andezeno (ainsi que son prédécesseur) pensait que l’armée des Alpes toujours au stade de l’organisation ne bougerait pas de longtemps. En outre, il comptait sur la venue prochaine de l’armée autrichienne de la haute Italie, peut-être renforcée par celle de Neipperg qui avait vaincu Murat.
Cette armée autrichienne comprenait deux corps d’armée. Le premier, commandé par le général Frimont, comptait franchir les Alpes par le col du Simplon et descendre la vallée du Rhône, puis longer la rive sud du lac Léman et pénétrer en France en direction de Bourg-en-Bresse. Le second, aux ordres du général Bubna, devait franchir le col du Mont-Cenis et emprunter la vallée de la Maurienne pour marcher sur Grenoble. Entre les deux, les unités déployées par Andezeno autour de Saint-Pierre d’Albigny et Conflans assureraient une liaison assez lâche.
Le deuxième au cours de sa progression devait obligatoirement passer par Montmélian, tenu par un bataillon de chasseurs italiens, et où le général piémontais avait établi son quartier général avant de se replier sur Saint-Pierre d’Albigny en raison de l’importance croissante des unités françaises concentrées devant lui.
Profitant de sa supériorité provisoire, Suchet déclencha son offensive suivant deux axes divergents, l’un ouest-est et l’autre sud-nord en utilisant uniquement son corps de bataille. Il forçait ainsi les Sardes à combattre en ordre dispersé. La première opération fut menée par la 22 e division (général Curial) qui passa la frontière dans la nuit du 14 au 15 juin avec pour mission de s’emparer de Montmélian, du lieu-dit « l’hôpital », un peu en amont du confluent de l’Isère et de l’Arly et de Conflans. Toutes ces opérations allaient réussir sans difficulté, en particulier l’attaque contre « l’hôpital » et Conflans, menée avec détermination par le colonel Bugeaud que Suchet connaissait bien depuis l’Espagne et qu’il estimait. Ce fut un tel succès que, voyant la majorité de ses troupes capturée, Andezeno complètement pris au dépourvu sollicita un armistice pour évacuer ses blessés, ce qui lui fut accordé. S’il put ainsi récupérer une partie de son matériel, il fut contraint d’abandonner la fonderie de Conflans où l’armée de Suchet récupéra un important stock de plomb pour la confection des munitions.
Dans le même temps où la 22 e division remportait ce succès, la 23 e (général Dessaix), balayant le régiment de Montferrat, avançait en direction du nord et atteignait à Carouge les faubourgs de Genève et un peu plus loin les rives du Léman. Son chef établissait son quartier général à Annemasse (17 juin). Suchet s’y rendit le 19 – il ignorait encore la défaite de Waterloo – afin d’obtenir confirmation des informations fournies par ses espions suivant lesquelles une armée autrichienne, ayant franchi le Simplon, avançait à la rencontre de l’armée des Alpes, forte de plus de soixante mille hommes avec une artillerie de soixante-deux pièces.
Mais elle se trouvait encore passablement éloignée et Suchet ordonna à Dessaix, avant de retourner à son quartier général de Montmélian, de se préparer à attaquer Genève si les Suisses laissaient des troupes
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