Le Maréchal Suchet
moyens. Il décida toutefois d’effectuer un changement de front et de défendre la ligne du Rhône en concentrant le gros de ses forces au nord de celui-ci. Il faisait en quelque sorte une impasse, confiant la défense de la vallée de l’Isère et des approches de Grenoble à une division d’élite de la garde nationale qui, il est vrai, pourrait s’appuyer sur le Fort Barraut et la place de Grenoble.
Frustrés de n’avoir remporté aucune victoire alors que les Anglo-Prussiens récoltaient toute la gloire de Waterloo, les Autrichiens à présent à pied d’œuvre cherchèrent le premier prétexte venu pour dénoncer l’armistice. Ils le trouvèrent. Frimont exigea que Suchet le laissât occuper les défilés du Jura. S’appuyant sur les instructions de Davout et répliquant que rien ne justifiait cette revendication, le maréchal refusa et le 1 er juillet Frimont mit un terme à la suspension d’armes.
Sans peine, car ils étaient faiblement défendus, les Autrichiens forcèrent les cols du Jura. Dès ce moment, les forces de Suchet ne purent livrer que des combats retardateurs d’autant qu’à la suite de la nouvelle de Waterloo les désertions s’étaient multipliées, nombre de soldats ne comprenant plus très bien pour quelles raisons on leur demandait de continuer à se battre.
Le 6 juillet, les Autrichiens, parvenus en vue de Grenoble, commencèrent à bombarder la ville et le même jour une partie de la population exigea des autorités qu’elles capitulent, ce qui se réalisa trois jours plus tard. Mais l’objectif des Autrichiens était toujours Lyon vers laquelle ils se dirigeaient à présent en trois colonnes : une passant par la cluse de Nantua commandée par Frimont et qui avait en face d’elle le gros des forces de Suchet ; une seconde qui partait de Grenoble (général de La Tour) et gagnait Lyon par Voreppe et une troisième aux ordres de Bubna venant du sud par Chambéry. Il n’avait en face de lui que des unités de gardes nationaux qui s’enfuirent dès les premiers coups de feu, ce qui mécontenta fort Suchet lorsqu’il apprit le piteux comportement des troupes du général Pannetier.
Toutefois, dès cet instant, Suchet savait que la résistance à l’avance des Autrichiens devenait sans objet. Il avait reçu de Davout, peu avant qu’il ne soit remplacé au ministère de la Guerre par Gouvion-Saint-Cyr, une dépêche lui apprenant que les combats avaient cessé autour de Paris et que les restes de l’armée ramenée de Belgique se retiraient derrière la Loire. Plusieurs de ses généraux dont Dessaix se déclaraient prêts à poursuivre la résistance en utilisant Lyon comme pivot de la défense. Mais Suchet refusait de les suivre sur ce terrain en raison de l’évolution des événements et en particulier de l’annonce du prochain retour du roi.
Lyon paraissait un très gros morceau à enlever. Napoléon avait donné, en 1815, des ordres pour transformer la ville en un vaste camp retranché s’appuyant sur les défenses naturelles que formaient le Rhône et la Saône ainsi que la colline de la Croix-Rousse. Il avait demandé que soient construites un certain nombre de redoutes qui formeraient autant de points d’appui, faute de réaliser des lignes de défense continues par manque de temps et de moyens.
Il pensait que la place disposait de trois cents canons. Les pièces y étaient bien mais, par manque d’affûts et de munitions, n’étaient que partiellement utilisables. Quant aux travaux, s’ils étaient en cours, il restait encore fort à faire. La garnison de la place apparaissait à première vue comme très importante. Elle comprenait l’armée des Alpes qui battait en retraite sur la ville, plus un certain nombre d’unités demeurées sur place dont la garde nationale, en tout près de seize mille hommes.
En réalité, subsistaient bien des lacunes et le gouverneur de la place, le général Mouton-Duvernet lui-même, savait mieux que quiconque que la ville serait incapable de soutenir un siège en règle. Sans compter le fait qu’une grande partie de la population, en particulier toute la bourgeoisie, était hostile à la poursuite d’hostilités qui, estimait-elle avec raison, entraîneraient de nombreuses victimes et la destruction d’une partie des immeubles. Seuls les ouvriers et certains soldats de l’armée régulière se montraient partisans d’une résistance à outrance mais faisaient suffisamment de bruit pour faire croire que
Weitere Kostenlose Bücher