Le Maréchal Suchet
faire réaliser la dissolution de l’armée des Alpes dans les meilleures conditions possibles. Pour cela, il s’était installé à Clermont-Ferrand dans le courant du mois d’août. Il avait été chargé d’appliquer l’ordonnance du 3 de ce mois, qui réduisait fortement l’armée française et, en conséquence, fit congédier dans un premier temps tous les soldats appelés sous les drapeaux après le 20 mars, ainsi que les gardes nationaux. Dans un second, il en renvoya une nouvelle fournée dans leurs foyers, se conformant ainsi aux ordres de son ministre.
Le 15 septembre, l’armée des Alpes était complètement dissoute. Le maréchal, qui se trouvait sans commandement et croyait que le gouvernement de la 5 e division militaire sur lequel il avait un instant compté lui était retiré, se prépara à regagner Paris. Mais, auparavant, il eut la joie de voir le conseil municipal de Clermont-Ferrand, à présent composé de fervents partisans du roi, venir le remercier pour avoir su protéger leur ville contre les demandes réitérées des troupes autrichiennes qui étaient venues bivouaquer aux environs.
Leurs officiers faisaient preuve d’une morgue insupportable et de nombreuses anecdotes sont nées à cette époque de leurs rapports avec la population. Une des plus savoureuses, dont l’authenticité est loin d’être garantie, rapporte qu’un de ces officiers ayant commandé un repas dans une auberge exigea qu’on lui versât à boire dans un récipient où des Français n’avaient jamais bu. Sans se démonter, l’hôtesse lui apporta son vin dans un pot de chambre et, pour ce geste, manqua de peu d’être fusillée. Mais cette historiette confirme de quelle dignité sut faire preuve la population face à l’armée d’occupation.
Déjà, en juillet, la municipalité de Lyon avait exprimé à Suchet sa reconnaissance pour avoir évité à la ville les horreurs d’un siège, mais le fait qu’il en fut lui-même originaire avait dû avoir un certain poids sur la démarche du conseil, estima-t-il.
Le 21 ou 22 septembre, Suchet prit la route de Paris. Il venait d’assurer son dernier commandement militaire. Certains historiens, non des moindres, ont critiqué son comportement pendant la campagne de 1815, l’accusant de faiblesse, de manque de pugnacité, d’indécision même. La vérité, il l’avait montré dès le mois de mars, était que comme beaucoup de ses camarades il n’avait jamais cru au succès de l’aventure napoléonienne. Son hésitation à se rallier, son manque de chaleur vis-à-vis de l’empereur en étaient autant des preuves. Il n’avait accepté de continuer à servir que parce que le roi était parti et par devoir. De son côté, Napoléon qui ne sut pas l’employer le confina dans un rôle secondaire. Moyennant quoi, il avait tout de même accompli un tour de force. Comprenant, dès qu’il avait été mis au courant du désastre de Waterloo, que l’aventure était terminée, il n’avait plus eu qu’un souci, y mettre un terme en ce qui concernait son secteur et ce à moindres frais.
La sagesse dont il fit preuve et dont il serait mal récompensé témoigne de la lucidité et de la hauteur de vues dont le maréchal put se féliciter jusqu’à la fin de son dernier commandement.
XII
LA RETRAITE
(1815-1826)
Une des premières démarches de Suchet à son retour à Paris fut de solliciter une audience du roi. Il tombait assez mal. La France était en pleine période de réaction ultraroyaliste et celle-ci était violente. Tous ceux qui avaient « pactisé » d’une manière quelconque avec l’usurpateur, pour employer les termes en usage, étaient a priori suspects. Pourtant, le maréchal ne s’était rallié à l’Empire qu’après que le roi eut passé la frontière. Aux yeux de certains, c’était déjà trop. Un peu plus tard, en octobre, le roi signa une ordonnance rédigée par Clarke, qui créait une commission chargée d’examiner la conduite des officiers, quel que soit leur grade, qui avaient servi pendant les Cent-Jours. Du reste, le ministre prévoyait qu’aucun de ceux-ci ne pourrait plus servir dans l’armée.
En tous les cas, Suchet vit sa demande d’audience repoussée. Il eut alors la grande habileté d’aller demander conseil à un homme dont personne ne discuterait la décision : c’était le duc de Wellington qu’il avait rencontré à plusieurs reprises en 1814 et avec qui il avait sympathisé. Le vainqueur de
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