Le Maréchal Suchet
les départements de l’ouest. Du coup, Brune se hâta de rappeler Suchet qui reprit ses anciennes fonctions avec sa compétence habituelle.
Le voyage de Brune à Paris s’était révélé positif. On lui envoya quelques renforts et surtout trois généraux de valeur : Moreau, et un peu plus tard Macdonald, puis Championnet. Mais surtout, si l’ensemble des forces dépendant de Brune atteignaient à peu près quatre-vingt mille hommes, elles étaient dispersées dans toute l’Italie, jusqu’en Corse et à Malte. De plus, les populations de la péninsule qui en 1796 avaient accueilli les Français en libérateurs étaient devenues, pour la grande majorité, hostiles, lassées par les réquisitions et les pillages qu’elles avaient été contraintes de supporter. Il n’était pas rare, à présent, que des soldats isolés se fassent assassiner dans les rues la nuit. Le chef d’état-major général essayait de lutter contre cet état de fait mais il ne disposait que de peu de moyens et la police locale se montrait inefficace. Suchet manquait d’adjudants commandants et d’officiers adjoints et la situation générale l’obligeait à employer à d’autres besognes ceux dont il disposait.
Les Autrichiens, en effet, commençaient à concentrer des troupes face à la Suisse et au nord du lac de Garde. En même temps, leur service de renseignements ne restait pas inactif et tentait d’agir sur la cour de Piémont à Turin pour l’inciter à se joindre à la nouvelle coalition en formation. Malgré son manque de personnel, le service du contre-espionnage français, qui dépendait de l’état-major de l’armée, fonctionnait bien et Suchet était tenu au courant de manière permanente des intrigues qui se développaient à Turin, ce qui permit à Brune de prévenir le Directoire de cette menace directe à la fin de septembre.
Mais Brune n’allait pas être à même d’en tirer les conséquences car, nommé à la tête de l’armée stationnée en Hollande (République batave), il partit de Milan avant la fin d’octobre 1798. Les directeurs, hantés par la crainte de voir un général se mettre à la tête de ses troupes et marcher sur Paris pour renverser le gouvernement, se livraient en permanence à un chassé-croisé dans le commandement des grandes unités, ce qui était plutôt préjudiciable à l’exercice de ces fonctions.
Ce fut Joubert qui fut désigné pour remplacer Brune. Encore qu’assez jeune – il n’avait que vingt-neuf ans –, il s’était déjà illustré. Arrivé à Milan au début de novembre, son premier acte fut de faire savoir qu’il entendait conserver Suchet comme chef d’état-major. Le second fut de préciser à Paris et de spécifier à son adjoint qu’il était venu en Italie pour commande l’armée et non pas pour perdre son temps à faire de la politique, ce qui, au demeurant, ne l’intéressait pas. Ce comportement est d’autant plus curieux que, moins d’un an après, il prêta une oreille complaisante aux propositions de Sieyès qui cherchait un général pour réaliser un coup d’État et renverser le gouvernement. Quoi qu’il en soit, cette position était inconfortable car, en Italie, la politique était étroitement liée aux opérations militaires.
Il existait toutefois sur place des représentants du pouvoir civil français chargés de surveiller les jeunes républiques créées par le Directoire. Le malheur voulait que la plupart d’entre eux fussent incompétents ou corrompus, voire les deux à la fois.
Cependant, Joubert, aussitôt arrivé, se pencha sur l’état de son armée et ne put que constater que tout y manquait. Il conclut assez rapidement que, bien qu’à présent elle comptât sous les armes, au moins sur le papier, près de cent cinquante mille hommes, elle n’était pas en état d’entrer en campagne et il demanda donc son rappel à Paris. Ce fut Suchet qui lui remonta le moral en lui faisant remarquer que les autres armées françaises n’étaient pas mieux loties.
En revanche, il réussit à le convaincre de mettre un terme à la situation trouble à Turin. Il chargea Grouchy qui commandait les troupes stationnées dans la région de marcher sur la ville et persuada Joubert de s’occuper pour une fois de politique et de l’accompagner à Turin. Cette action énergique et rapide porta ses fruits. Terrorisé, le roi de Sardaigne se hâta d’abdiquer. Joubert, dans la foulée, nomma un gouvernement provisoire qui
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