Le Maréchal Suchet
avait horreur de tout ce qui touchait de près ou de loin à l’administration de son armée.
Suchet avait eu d’autant plus de mérite d’accepter ces fonctions que peu de jours auparavant, ainsi qu’il le précisa au nouveau ministre de la Guerre, Milet-Mureau, un civil, il avait été victime d’une chute de cheval. Le travail qui l’attendait était immense. L’armée d’Helvétie était victorieuse mais ses pertes avaient été sévères, et pour ne pas déroger à la règle, elle manquait de tout.
Même si Masséna avait brisé l’offensive de l’archiduc Charles, les suites de la campagne pourraient voir un renversement de situation d’autant que les Français, pour raccourcir leurs lignes, avaient évacué Zurich, occupée maintenant par les Autrichiens. Aussi les Suisses, devant un avenir aussi incertain, ne se hâtaient-ils pas de fournir à l’armée française le ravitaillement qu’ils avaient promis et, à la fin juin, ils n’avaient livré que soixante mille quintaux de farine sur les cent soixante-dix mille annoncés. Suchet réagit avec énergie, menaçant de faire fusiller quelques responsables, et les livraisons se poursuivirent à un rythme un peu plus rapide. Masséna, connu pour son avarice, savait se montrer généreux quand il ne mettait pas la main à sa poche. Le comportement de son chef d’état-major lui semblait parfaitement efficace. Aussi demanda-t-il pour lui à Paris une promotion. Le Directoire n’avait rien à refuser à ce général, le seul qui fut vainqueur pour le moment, et il se hâta de lui donner satisfaction. Le 22 juin, Suchet apprit qu’il était nommé général de division, le plus haut grade à ce moment de l’armée française. Il se dépêcha de remercier son patron dont il connaissait le rôle dans l’obtention de cet avancement. Mais, le même jour, celui-ci fut informé qu’on lui retirait son chef d’état-major pour le transférer à l’armée d’Italie où la situation devenait plus qu’inquiétante. Une fois de plus, le général Rheinwald allait assurer l’intérim jusqu’à l’arrivée d’Oudinot.
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Depuis la reprise des hostilités, les Français en Italie n’avaient essuyé que des revers. Leur armée était commandée, depuis le début de la campagne, par Schérer, général âgé, timoré, médiocre et que la rumeur taxait d’ivrognerie. Il avait eu la sagesse de conserver près de lui Moreau dans la position inconfortable de conseiller. Battu par les Autrichiens dont les troupes étaient deux fois plus nombreuses que les siennes à Magnano, le 5 avril, il se hâta, peu après, de disparaître. À ce moment, Moreau, qui ne disposait que de vingt mille hommes et savait en avoir soixante mille en face de lui, manœuvra habilement, cherchant à tout prix à éviter un affrontement et préférant céder du terrain pour sauver son armée. Contraint à la bataille le 20 avril à Cassano, il contint les assauts de ses adversaires et, en particulier, des Russes par sa puissance de feu. Mais il fut obligé, une fois encore, de battre en retraite et fut accusé d’avoir perdu une bataille qui, en réalité, avait été incertaine. Continuant à manœuvrer avec habileté, il retint pendant trois mois sans livrer un seul combat les alliés dans la plaine du Pô. Dans le même temps, l’armée de Naples, commandée par Macdonald, remontait vers le nord. Moreau demanda avec insistance à son camarade de ne livrer bataille à aucun prix et de joindre ses forces aux siennes. Mais Macdonald ne l’écouta pas. Il attaqua les Austro-Russes et fut battu à La Trébie (17 au 19 juin).
Moreau, qui recueillit les débris de cette armée que Macdonald avait tout de même réussi à ramener à Gênes, était en train de constituer avec les différentes unités qu’il rappelait d’un peu partout un ensemble solide. Moins que jamais, il était décidé à affronter les alliés. Au demeurant, il savait qu’il allait bientôt quitter l’Italie pour prendre le commandement de l’armée du Rhin, ce qui correspondait à ses désirs. Le Directoire choisit Joubert pour le remplacer. Cette nomination était avant tout l’œuvre de Sieyès et était fondée non pas sur les qualités militaires de Joubert, lesquelles étaient grandes, mais sur l’idée d’utiliser celui-ci lorsqu’il aurait remporté une ou deux victoires pour appuyer un coup d’État.
Joubert arriva au quartier général le 4 août et y trouva Suchet qui avait pris ses
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