Le Maréchal Suchet
d’opérations.
À Paris, Suchet fut reçu successivement par les directeurs Barras, Treilhard et Merlin. Ainsi qu’il l’écrivit à Joubert, il avait été suspendu soi-disant pour s’être un peu trop mêlé de politique. Le ministre de la Guerre se montra franchement cordial ; aussi la disgrâce de Suchet ne fut-elle pas de longue durée. Aux environs du 20 février (début de ventôse), il reçut son affectation à l’armée du Danube. Le gouvernement avait tout de même tenu à l’éloigner de l’Italie, au moins provisoirement. Cette armée du Danube allait, du reste, bientôt être réunie dans un même commandement à celle d’Helvétie aux ordres de Masséna.
Suchet se rendit donc au quartier général de l’armée du Danube, commandée par Jourdan. Il y arriva peu après que celui-ci eut subi une défaite en face de l’archiduc Charles car les hostilités étaient commencées. En cours de route, il avait rencontré à une étape son camarade, le général Lefebvre, blessé au combat, et qui allait se faire soigner à Paris. Celui-ci lui donna l’étrange conseil de ne pas poursuivre son voyage et même de rétrograder jusqu’à l’arrivée de ses chevaux ! Suchet le remercia mais ne l’écouta pas.
Arrivé au quartier général, il allait y demeurer plusieurs semaines « à la suite », c’est-à-dire sans emploi bien défini. Ce fut donc en spectateur qu’il assista aux combats retardateurs que livrait l’armée du Danube en se repliant sur la Suisse.
Depuis le début des hostilités, les armées françaises, tant d’Allemagne que d’Italie, subissaient défaite sur défaite et l’armée d’Helvétie, pivot de leur système défensif, était la seule et dernière à être en mesure d’empêcher une invasion du territoire.
Ce ne fut que le 20 avril que Suchet reçut enfin une affectation. On lui donna à commander une brigade de la division Lorge, forte de trois régiments. Lorge occupait une position à l’extrême droite du dispositif français. Il faisait partie d’un corps de trois divisions et n’était séparé de l’armée autrichienne que par le Rhin. Les forces en présence n’étaient pas égales en nombre puisque les seuls Autrichiens mettaient en ligne environ cent dix mille hommes sans compter leurs alliés russes et que les Français n’en avaient que soixante-dix mille à leur opposer. Aussi, avant l’affrontement qui, suivant les plans de Masséna, devrait avoir lieu devant le camp retranché de Zurich, le général en chef français décida de regrouper ses forces autour de cette dernière ville.
Suchet en pointe à l’extrémité du dispositif, à peu près à l’endroit où le Rhin se jette dans le lac de Constance, opéra sa manœuvre en retraite par des chemins épouvantables et fut donc contraint d’effectuer un vaste crochet par la montagne, car l’ennemi occupait déjà la route par laquelle il escomptait passer. Rousseau va jusqu’à écrire qu’il fut contraint de traverser un lac gelé, ce qui même à une certaine altitude (mille cent mètres) à cette époque de l’année paraît assez improbable. Le 16 mai, en vue du gros de l’armée, il expédia son aide de camp à Masséna pour lui annoncer qu’il ralliait, précisant que tout le long de sa route il avait eu à combattre : « la faim, les paysans et les Autrichiens ». Après ces épreuves, la brigade de Suchet fut affectée à la division d’un jeune général, Chabran, que, dans une lettre à son frère, Louis-Gabriel qualifie d’« aimable ». Celui-ci lui confia une brigade assez importante pour garder les passages en direction de l’Arlberg. De ce fait, il ne participa pas à la première bataille de Zurich dans laquelle Masséna, en raison de son infériorité numérique, adopta une attitude purement défensive et se contenta de bloquer les tentatives de l’archiduc Charles pour enlever la ville.
Dès le premier jour de la bataille, le chef d’état-major de l’armée, le général Chérin, fut mortellement blessé. Il fut remplacé au pied levé par son adjoint, le général Rheinwald. Mais celui-ci ne convenait pas à Masséna et, dès la fin de la bataille, il annonça au Directoire que, pour remplacer Chérin, il avait choisi Suchet dont les qualités d’organisateur et le sang-froid l’avaient vivement frappé. Dès le départ, l’entente fut totale entre les deux généraux d’autant que Masséna, tout à son affaire sur un champ de bataille,
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