Le Maréchal Suchet
était au plus haut. Estimant leur cité imprenable, ils attendaient de pied ferme une attaque des Français. Ils étaient commandés par un général jeune et dynamique, le maréchal de camp Garcia Condé bien déterminé à résister jusqu’au moment où ses assaillants lèveraient le siège. Il comptait du reste beaucoup sur l’appui que lui apporterait l’armée espagnole du général Charles O’Donnell. Cet officier d’origine irlandaise était entré comme ses frères au service des rois d’Espagne après que sa famille eut émigré avec les Jacobites au XVIII e siècle. Il avait environ neuf mille hommes sous ses ordres et comptait percer les lignes des assaillants.
Les fortifications derrière lesquelles s’abritait la ville n’étaient pas particulièrement puissantes. Une partie de la défense reposait simplement sur la rivière et, du côté de la terre ferme, c’était une simple muraille sans fossé ni chemin couvert, en partie terrassée et bastionnée et en partie flanquée de tours. Mais la véritable force de l’agglomération résidait dans le château qui couvrait l’ensemble de la place. Planté au sommet d’une colline haute de soixante-dix mètres et aux pentes fort raides, il était construit autour d’un donjon d’une grande hauteur et de forte solidité. Il était entouré de bâtiments vastes et également de grande épaisseur de murs. Le tout était enfermé dans un carré de forme irrégulière d’environ deux cent cinquante mètres de côté, flanqué sur une face de solides bastions. Les murailles étaient tellement hautes et épaisses qu’aucun fossé n’y avait été ajouté. En outre, la ville était armée d’une nombreuse artillerie.
En fait, un front d’attaque était envisageable par la face nord mais le terrain d’approche, tout en roc à vif, rendait extrêmement difficile sinon impossible le creusement de tranchées et tous les cheminements devraient être couverts par des gabions. Un second pourrait être créé à l’ouest où la pente se présentait sous une forme douce mais, par une opération préalable, un assaillant devrait s’emparer du fort Garder, fortification détachée de ce côté.
Suchet n’était pas sans être informé de ces difficultés. Il savait en outre que l’empereur ne lui pardonnerait pas un échec après ce qu’il considérait comme une défaite. Il prépara donc son expédition avec le plus grand soin. Le 3 e corps avait enfin reçu des renforts et comptait trente-trois bataillons et neuf escadrons, le tout s’élevant à peu près à vingt-deux mille combattants. Mais instruit par son récent raid sur Valence et ayant encore en mémoire l’action des guérillas et autres réguliers qui avaient manqué de peu d’enlever Teruel, il comprit que la pacification de l’Aragon n’avait un sens que pour autant que les troupes françaises y seraient présentes. À contrecœur, il décida donc de laisser sur place environ un tiers de ses troupes, soit dix bataillons d’infanterie et un régiment de cavalerie, sous les ordres du général Laval, tant pour chasser les guérillas que pour être en mesure de faire pièce à l’armée de Villacampa, installée entre les frontières de Valence et de Castille.
Avec les forces qui lui restaient, même si à présent il disposait d’un parc de siège important comptant à la fois des pièces lourdes et des mortiers, Suchet estima que son armée était trop faible numériquement pour mener à la fois le siège et lutter contre les troupes d’O’Donnell. Mais, dans les plans dressés par l’empereur, il était prévu que le 7 e corps du maréchal Augereau descendrait jusqu’à la basse vallée de l’Èbre et couvrirait ainsi le 3 e . Seulement Augereau, s’il avança bien jusqu’à l’Èbre, se trouva contrarié par les mouvements d’O’Donnell. Il craignait d’être coupé de Barcelone, sa base d’opérations, et que celle-ci ne tombât aux mains des rebelles. Aussi se hâta-t-il de rétrograder et ce fut avec ses seules forces que Suchet fut contraint de continuer le siège.
Il avait quitté Saragosse avec le 3 e corps dans les premiers jours d’avril. Il comptait prendre la route passant par Balaguer, localité sur le Sègre, traversé en ce lieu par un pont solide que pourrait emprunter l’artillerie. Il se préparait à attaquer Balaguer tenu par quatre bataillons rebelles lorsqu’il apprit que ceux-ci l’avaient évacuée. Dès lors, le chemin de Lérida
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