Le Maréchal Suchet
lui était ouvert et il arriva devant la ville le 13 avril.
Au lieu d’ouvrir immédiatement la tranchée, Suchet, qui, par ailleurs, n’eut jamais assez de troupes pour réaliser un encerclement complet de la place, ne se hâta pas mais examina tranquillement la situation. Du reste, son parc de siège n’était pas encore arrivé et le colonel Haxo qui le commandait profita du répit qui lui était accordé pour faire fabriquer des outils car il en manquait.
Suchet aurait voulu dans un premier temps se débarrasser de la menace qu’O’Donnell faisait peser sur lui puisqu’il ne pouvait plus compter sur l’appui d’Augereau. Or, il apprit qu’O’Donnell était parti de Tarragone avec deux divisions, comptait en ramasser une troisième en cours de route et marcher sur Lérida dans le but de forcer Suchet à lever le siège. Il arriva le 22 avril à Vinaxa et là reçut un billet du général Condé annonçant qu’une grande partie de l’infanterie française et toute la cavalerie s’étaient éloignées de la place. Trompé par cet avis au demeurant inexact, le général espagnol se dirigea directement sur Lérida sans prendre la peine d’éclairer sa marche. Son armée était formée en trois colonnes : celle du centre en flèche parvint en vue de la place mais fut arrêtée par des charges de cavalerie. En même temps, la garnison tentait une sortie et fut refoulée. La cavalerie lourde de Suchet dispersa celle de ses adversaires avant de se retourner contre son infanterie. Celle-ci comportait l’élite de l’ancienne armée espagnole : les gardes wallonnes qui cherchèrent en vain à résister et à redresser la situation. Toute l’armée espagnole prit la fuite. O’Donnell parvint à regrouper ses troupes avant la nuit mais il était hors de question que pour l’instant il inquiétât les assiégeants. Ce combat dit de Margalef, du nom de la plaine où il se déroula, fut surtout mené, du côté français, par la cavalerie. Les Espagnols laissèrent près de six mille prisonniers, dont un grand nombre d’officiers qui n’avaient pas voulu suivre les fuyards.
Appliquant toujours les principes de sa guerre psychologique, Suchet écrivit le lendemain au général Condé pour lui proposer d’envoyer une délégation qui jugerait de visu de la déconfiture de l’armée de secours et qui, accessoirement, offrait à la ville de se rendre et, ainsi, d’éviter de verser inutilement du sang. Mais cette espèce de coup de bluff échoua et le gouverneur répondit sèchement : « Monsieur le général, cette place n’a jamais compté sur le secours d’aucune armée. J’ai l’honneur de vous saluer avec la plus haute considération. » Signé : « Condé ».
Suchet ne put s’empêcher de rendre hommage à la hauteur de vues de son adversaire et, puisque l’armée d’O’Donnell n’était plus à craindre, il reporta toute son attention sur les travaux du siège. Dans la nuit du 26 au 27 avril, la tranchée fut ouverte. Les soldats d’infanterie guidés par ceux du génie commencèrent à creuser la première parallèle et à édifier des batteries d’approche. Le général avait mis l’emplacement de son front d’attaque au même endroit que le duc d’Orléans, cent trois ans auparavant. Le travail était supervisé par le colonel Haxo qui dans ce siège allait gagner ses étoiles de général.
De leur côté, les assiégés ne restaient pas inactifs. Leur artillerie fort bien servie couvrait de boulets les travaux d’approche. De plus, ils tentèrent de nombreuses sorties dans le but de ralentir le travail des Français et même de détruire plusieurs de leurs ouvrages et en particulier leurs batteries. Mais Haxo qui connaissait rudement son affaire fit ériger plusieurs places d’armes contre toutes ces sorties qui toutes échouèrent. Le 7 mai au matin, l’artillerie française ouvrit le feu pour commencer le bombardement de la place et plusieurs des pièces de celle-ci furent rapidement démontées. Le duel d’artillerie dura plusieurs jours car aucun des adversaires ne manquait de munitions mais, pendant ce temps, les travaux du siège proprement dit progressaient.
Le 8 mai, Suchet put faire ouvrir une seconde parallèle. Tout le temps sur place, il encourageait les travailleurs par sa présence. Il avait multiplié le nombre des emplacements de batteries et la densité de son feu se révéla efficace car l’artillerie des assiégés fut peu à peu réduite au
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