Le Maréchal Suchet
mille prisonniers qui devaient constituer la masse de l’échange qu’il avait proposé. Outre les soldats, s’étaient rendus huit cent quatre-vingt-dix-huit officiers et trois généraux.
Quant à Blake, il fut dirigé sur Vincennes car il s’était montré peu désireux de partager le sort de ses soldats. Les documents une fois signés, Suchet en confia la garde au colonel polonais Ernouf en lui précisant (toujours le sens aigu des nuances chez lui) : « Vous lui rendrez les honneurs dus à un général en chef et vous le garderez comme un coquin ! »
Le matériel de toute nature qui tomba aux mains des Français était immense : vingt et un drapeaux, deux mille chevaux tant de cavalerie que de trait, trois cent quatre-vingt-treize canons, quarante-deux mille fusils neufs, trente-six tonnes de poudre et plusieurs centaines de milliers de rations.
Le 14 janvier, le maréchal fit son entrée solennelle à Valence. Toutes les maisons de la ville avaient sur son ordre été décorées de tentures de soie et de guirlandes. Suchet avait pris possession de la ville depuis 5 jours et avait confié la police au général Roberts et au commandant Bugeaud (le futur maréchal), tous deux connus pour leur fermeté. L’occupation de la ville ne posa aucun problème particulier. Les Valenciens qui, quelques mois auparavant, faisaient montre en paroles d’une férocité peu commune vis-à-vis des Français, semblaient soulagés d’un grand poids de n’avoir pas été enlevés d’assaut. Le maréchal eut la sagesse de faire revenir dans la ville le vieil archevêque qui l’avait quittée avant le début du siège et qui était très populaire parmi ses ouailles.
Restait le cas des moines qui s’étaient montrés si hostiles et d’une manière tellement virulente. Cinq cent deux d’entre eux furent expulsés et la majorité traitée en prisonniers et envoyée en France. Toutefois, par un geste de clémence, les cent quarante-huit plus âgés se virent consignés à dix lieues de Valence. Mais, en revanche, cinq d’entre eux, les plus enragés, furent passés par les armes. Les chefs des guérillas qui se trouvaient en ville, dénoncés par leurs compatriotes, connurent le même sort. Pourtant, Suchet n’était pas particulièrement sanguinaire mais estima que la tranquillité publique ne se réaliserait qu’à ce prix.
Pendant que le maréchal menait les opérations contre Valence, le général Montbrun, détaché pour le soutenir de l’armée de Portugal, avait opéré un vaste mouvement sur la droite et tenté de couper la route au corps du général Mahy qui avait échappé à l’encerclement. Montbrun manqua de très peu réussir sa manœuvre et Mahy se jeta dans Alicante, serré de près par Montbrun. Ce dernier avait à sa disposition trois divisions dont une de cavalerie et une bonne artillerie. Il aurait donc pu en peu de jours enlever Alicante dont à ce moment les défenses étaient très faibles. Mais, outrepassant les ordres de Berthier, Marmont, commandant de l’armée de Portugal, avait fixé un terme très court au détachement de Montbrun qui, selon lui, devait impérativement revenir au plus tard le 20 janvier.
Dès qu’il fut signé, Suchet lui envoya copie de l’acte de capitulation de Valence et lui recommanda d’interrompre sa marche sur Alicante. Il craignait qu’une action inconsidérée ne vînt faire capoter les négociations qu’il engageait pour échanger des prisonniers. Ce fut, hélas, ce qu’il advint. Montbrun, pressé par le temps, ne tint pas compte de ce dernier ordre, poussa jusqu’à Alicante, tira quelques coups de canon, somma la ville de se rendre, puis fit demi-tour et reprit la route de Madrid. Il ne s’est jamais expliqué sur son curieux comportement, car il quitta l’Espagne à la fin du mois de janvier et fut tué la même année à la bataille de la Moskova. Mais son raid avait eu un effet désastreux. Effrayés, les habitants d’Alicante prirent immédiatement leurs dispositions pour être en état de soutenir un siège en règle et, fait plus grave, les pourparlers ébauchés pour un échange de prisonniers furent définitivement rompus. Les deux mille Espagnols en attente de renvoi furent dirigés vers la France au grand regret de Suchet.
L’empereur ne ménagea ni les promotions ni les récompenses. Toutefois une partie de ces dernières resta à l’état de projet. Napoléon avait ordonné que deux cents millions prélevés sur les
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