Le Maréchal Suchet
l’occasion, il demanda un congé de trois mois pour venir se faire opérer à Paris et eut la chance de se le voir refuser, ce qui lui permit d’être sur place au moment de la victoire.
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Après son succès de Sagonte et quoique pour quelques jours il lui fût impossible de se rendre sur le terrain, Suchet continua à commander son armée. Elle reprit sa marche en avant et atteignit bientôt le Guadalaviar. Sur la rive droite s’élevait la ville de Valence et campait l’armée que Blake était en train de reconstituer. Ce général éprouvait des difficultés avec ses troupes car il n’était pas populaire. Son caractère mélancolique et triste le rendait antipathique malgré ses réelles capacités comme commandant d’armée.
Néanmoins, Suchet, qui n’avait plus à ce moment à sa disposition que vingt-deux mille hommes alors que Blake disposait presque du double, estima qu’il n’était pas en mesure à la fois d’assiéger la ville et de combattre l’armée adverse. Aussi, tout en s’installant sur la rive gauche du fleuve, demanda-t-il des renforts. Après avoir dans un premier temps fait la sourde oreille, Napoléon, sous l’influence de Berthier, finit par mieux juger la situation. Il ordonna donc que Montbrun fût détaché avec les unités qu’il commandait de l’armée de Portugal, Darmagnac de celle du centre et Reille de Navarre. Mais entre les requêtes, les ordres et les mouvements des troupes, deux mois s’écoulèrent avant que les renforts n’arrivent à pied d’œuvre et ce ne fut pas avant le 24 décembre que Suchet ayant à présent trente-trois mille hommes sous ses ordres fut en mesure de passer à l’action.
Pendant cette période d’attente, l’armée française n’était toutefois pas restée inactive. Le général Habert s’empara au début de novembre du faubourg de Seranos et plus particulièrement du couvent de Sainte-Claire qui devint un des points d’appui des assaillants. Puis il occupa le port de Valence. Les deux armées n’étaient séparées que par le fleuve. Celui-ci, à l’origine, était traversé par cinq ponts. Les Espagnols en avaient occupé deux et sérieusement fortifié les issues des trois autres, se réservant de les utiliser pour harceler les Français. En raison de la longueur de son front et de la relative faiblesse de ses effectifs, Suchet fit élever à la hâte quelques ouvrages défensifs. Dès ce moment, l’activité de part et d’autre se limita à des escarmouches de patrouilles.
Cependant, profitant de ce répit, Suchet étudiait les moyens de franchir le Guadalaviar tout en sachant que sur l’autre rive sa marche risquerait d’être freinée par les nombreux canaux d‘irrigation formant autant de lignes de défense naturelles derrière lesquelles Blake avait systématiquement déployé des troupes.
Le maréchal projeta, avant d’investir la ville, d’y enfermer toute l’armée de Blake qui ne bougeait pas de ses tranchées devant la place. Cette idée séduisit Napoléon à qui elle fut soumise. Alors que ses vues se tournaient vers la Russie, capturer toute une armée espagnole et Valence par-dessus le marché permettrait de faire un grand pas, pensait-il, vers la soumission générale de l’Espagne, ce en quoi il se leurrait.
Mettant à exécution sa combinaison, le maréchal fit franchir le fleuve assez en amont de Valence, à hauteur de Liria, à un endroit où, précisément, il n’y avait pas encore de canaux d’irrigation car ils ne prenaient naissance qu’assez loin en aval. Du coup, s’emparant des écluses, Reille pourrait assécher ces fossés et permettre à nos troupes de manœuvrer. Les pontonniers se montrèrent à la hauteur de leur réputation et, dans la nuit du 25 au 26 décembre, lancèrent deux ouvrages. Trois divisions y passèrent. La manœuvre d’encerclement se réalisa dans la journée du 26. Toutefois les généraux espagnols Obispo et Villacampa ainsi que leur chef le général Mahy avaient saisi à temps le dessein de Suchet et, abandonnant leurs positions, s’enfuirent en direction du lac d’Albufera d’où, un peu plus tard, ils rejoignirent l’armée de Murcie
Les troupes de Reille les poursuivirent jusqu’au lac d’Albufera où elles firent leur jonction avec la division Habert. Profitant de ce que la garnison de Valence observait la marche de la branche nord, Habert avait traversé le fleuve à son embouchure et foncé à la rencontre de son camarade. Le piège
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