Le Maréchal Suchet
nombreuses que les siennes. Quant à entreprendre des sièges réguliers, il estimait que ses adversaires n’en seraient pas capables, ne disposant pas du matériel et ignorant tout de la technique de ce type d’opérations très particulières. Seuls, les Anglais auraient eu la capacité nécessaire et, après leur échec devant Tarragone, le risque apparaissait assez faible.
Raccourcissant son front et ses lignes de communication, Suchet s’appliqua à ne laisser derrière lui ni un canon, ni un malade, ni un blessé. L’ensemble de la population jadis si hostile semblait à présent regretter le départ des Français surtout depuis qu’il circulait des rumeurs sur le comportement des Anglais en territoires « délivrés ».
Les événements se précipitaient en Aragon. Clausel, sur qui Suchet avait compté pour appuyer la défense de Saragosse, avait fait mouvement vers Saint-Jean-Pied-de-Port et la France. Le 8 juillet, la garnison de Saragosse fut attaquée par les troupes conjointes de Mina et de Duran. Elles étaient plus nombreuses que celles du général Paris et ce dernier, craignant d’être encerclé, évacua la capitale de l’Aragon et, par une retraite difficile où l’ennemi le talonnait, réussit à gagner Lérida.
Du coup, Suchet, qui avait songé à s’établir sur la rive droite de l’Èbre, y renonça car la perte de l’Aragon représentait un coup sévère pour lui. Il continua son repli avec, désormais comme objectif la défense de la seule Catalogne. C’était, au demeurant, après la défaite de Joseph, la dernière province avec une partie de la Navarre à demeurer aux mains des Français. À Barcelone, il eut une longue entrevue avec le général Decaen. Tous deux savaient que Soult allait tenter de libérer Pampelune. Mais ils convinrent qu’ils n’avaient pas la possibilité de l’appuyer et, du reste, Soult dut bientôt renoncer à cette opération. Ils avaient d’ailleurs fort à faire de leur côté. Le château de Saragosse allait bientôt capituler entre les mains de Mina, encore que le siège de celui-ci fût mené avec plus de fantaisie que de technique.
À la fin de juillet, l’armée anglaise de lord Bentinck voulut recommencer le coup de main qu’elle avait raté contre Tarragone. Ce général avança par voie de terre (encore que Tortose le gênât considérablement) et sa flotte longeant la côte appuyait sa progression. Le 29 juillet, les Anglais ouvrirent la tranchée, mais la chaleur ralentissait leurs travaux. Suchet, dont les divisions étaient groupées à Villafranca, n’osait pas attaquer tant était grande la disproportion des forces. Il n’avait que treize mille hommes et les Anglo-Espagnols pas loin de quarante mille. Il demanda donc à Decaen de lui amener tous les renforts qu’il pourrait rassembler. Celui-ci accourut avec dix mille hommes et, quoique toujours inférieur en nombre, Suchet se porta au secours de la ville, le 14 août. Il fit prendre aux divisions Harispe et Habert une route passant par la montagne pour éviter de les exposer aux tirs de la flotte.
Craignant d’être encerclé, lord Bentinck se déploya en avant de Tarragone mais réalisa tout de suite la faiblesse de sa position et dans la nuit du 15 au 16 fit retraite dans la direction de Reuss. Suchet le fit poursuivre mais avec circonspection car ses forces demeuraient intactes et il suivait la route de la côte pour bénéficier de l’appui des canons de la flotte.
Une fois encore, Tarragone était délivrée mais Suchet et Decaen convinrent que ce succès ne pourrait se répéter une troisième fois. Aussi le duc d’Albufera fit-il évacuer la garnison (ce qui lui procurait un renfort de troupes) et ordonna-t-il de détruire les fortifications intactes en les faisant sauter. Ces explosions entraînèrent la destruction d’un certain nombre de maisons encore debout. Après l’évacuation définitive, il ne restait plus grand-chose de la ville de Tarragone. Peu après, Suchet se retira sur la ligne du Llobregat aux portes de Barcelone après avoir épuisé les ressources de la plaine de Villafranca.
Ce fut alors qu’une polémique naquit entre Soult et Suchet : ce ne devait pas être la dernière au cours de cette campagne. L’animosité entre les deux maréchaux remontait à loin. Après son échec devant Pampelune, Soult avait envoyé un de ses aides de camp à Suchet pour lui demander de lui apporter son aide pour une nouvelle tentative de débloquer
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