Le Maréchal Suchet
aux siennes. Mathieu se mit immédiatement à la tête d’une colonne de huit mille hommes et, en toute hâte, marcha sur Tarragone en prévenant le maréchal que le gros de l’armée de Catalogne le suivait de près.
Dans le même temps, Suchet ordonnait au commandant de la garnison de Tortose d’aller renforcer celle du col de Balaguer. Mais ce dernier arriva trop tard. La passe était déjà aux mains des Anglais et Suchet décida alors de faire mouvement en contournant l’obstacle mais également en laissant derrière lui son artillerie.
Le général Bertholetti commença à se montrer inquiet vers le 10 juin. Il était assiégé depuis le 2 et ne recevait aucune nouvelle de l’extérieur. Il se doutait bien, tel qu’il le connaissait, que le maréchal Suchet lui porterait secours, mais il n’était pas sans connaître les difficultés que rencontrerait ce dernier et commençait à craindre qu’il n’arrivât trop tard, l’ennemi déployant une intense activité. Il avait à présent vingt-cinq pièces lourdes en batterie devant la place et sa propre contre-batterie ne parvenait pas à les réduire au silence.
De son côté, le général Murray se mit à éprouver des doutes quant à la réussite de son opération. Il était tenu au courant de la progression des deux armées de secours et voyait les deux mâchoires de la tenaille se refermer peu à peu. Pris alors entre Suchet et les feux de la place, sa situation deviendrait très périlleuse. Puis, le général Copons, chargé de barrer la route aux secours descendant du nord, l’avisa qu’il était contraint de battre en retraite devant l’armée de Catalogne. Ce même jour, 12 juin, Murray passa le commandement, en pleine crise, à lord Bentinck et s’en alla, lui laissant le soin de procéder au rembarquement des troupes anglaises.
Ce fut à ce moment que Bertholetti se douta, sans véritablement trop y croire, que les assaillants se préparaient à lever le siège car, dès ce matin-là, il constata (ainsi qu’il l’écrivit dans son rapport) que l’intensité du feu des pièces de siège avait considérablement diminué. De fait, le même jour les Anglais commencèrent à rembarquer leurs unités mais se virent contraints d’abandonner sur place leur artillerie lourde ainsi que les munitions et une grande quantité de matériel.
Lorsque, le 14 juin, deux jours plus tard, Suchet atteignit le col de Balaguer qu’il entendait à présent forcer, il découvrit entre celui-ci et Hospitalet toute la flotte anglaise au mouillage, transports compris, qui achevait de mettre à bord ses troupes et se préparait à appareiller. La dédaignant, il poursuivit sa progression vers Tarragone et, le 15, effectua sa jonction avec le général Mathieu. La ville était sauvée. Certes, l’armée anglaise constituait encore une menace même si elle avait perdu presque tout son matériel et le maréchal se demandait où elle allait porter son prochain coup. Mais une tempête se leva bientôt, qui dispersa la flotte et jeta à la côte un certain nombre de transports dont les passagers furent pris avec les équipages. Les alliés venaient de subir une sérieuse défaite et accusaient autant de pertes que dans une bataille, même si le responsable en était le vent. Suchet pensait avoir rétabli sa situation, croyant dès ce moment qu’il pourrait encore se maintenir longtemps dans les trois provinces d’autant que, pendant qu’il marchait au secours de Tarragone, Harispe, qui suivait ses ordres, s’était replié sur la rivière Xucas et de là avait mis en déroute les armées du général Elio et du duc del Parte très supérieures en nombre à ses propres troupes.
Alors qu’une partie de la population prédisait et escomptait la fuite de Suchet devant la double offensive anglo-espagnole, elle constata que celle-ci se traduisit par un fiasco total. Du coup, le retour de Suchet à Valence prit des allures de triomphe : cloches sonnant, arcs de triomphe de fleurs, démonstrations (vraies ou fausses) de joie. Il devait une bonne part de son succès à la rapidité et la coordination du mouvement de ses troupes et avait montré une fois de plus qu’il était un excellent manœuvrier. Le plan de Wellington, prévoyant une offensive générale en Espagne pour 1813, avait échoué à l’est. Mais il allait réussir à l’ouest en raison des nombreuses erreurs commises par le roi Joseph. Tout d’abord, il avait évacué Madrid sans y être
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