Le Maréchal Suchet
davantage occupé à régler ses querelles avec les généraux espagnols qu’à remplir sa mission principale. Il le remplaça donc à la tête de l’armée anglo-sicilienne par le général John Murray et, en même temps, obtint de la junte que la deuxième armée espagnole passe sous les ordres du général Elio et la troisième sous ceux du duc del Parté.
De tels changements laissaient entrevoir que, dans le cadre de l’offensive générale que préparait Wellington, le royaume de Valence, l’Aragon et la Catalogne seraient un des objectifs des alliés. Informé, Suchet résolut de prendre ses adversaires de vitesse dans la mesure où ses faibles moyens le lui permettraient. En ce début de 1813, par suite des prélèvements opérés par Napoléon, l’armée d’Aragon était réduite à dix-huit mille hommes et celle de Catalogne, qui n’était que partiellement aux ordres du maréchal, à quatorze mille. Certes, il lui restait sa force de frappe : le treizième cuirassier qui, dans plus d’une circonstance, avait par sa seule action assuré la victoire. Mais même ce régiment était usé et n’avait plus tout à fait la même valeur qu’en 1810.
D’ailleurs, les ponctions demandées par l’empereur n’allaient pas s’arrêter là et, avant la fin de l’année, ce serait encore près de dix mille hommes qu’il enlèverait à l’armée d’Aragon.
Dans la nuit du 10 au 11 avril, ayant appris qu’une division de la deuxième armée espagnole s’installait à Yecla au nord-ouest d’Alicante pour esquisser un vaste mouvement tournant par la gauche sur Valence, Suchet lança contre elle celle de Harispe, qui la surprit au petit matin et la dispersa tout en lui faisant perdre près de deux mille hommes tués ou prisonniers, ceci au prix de pertes minimes. Dans le même temps, Suchet se préparait à attaquer le reste de la deuxième armée qui débouchait de Villena pour se porter au secours de Yecla. En fait, il eut bientôt en face de lui non seulement l’armée espagnole mais également l’anglo-sicilienne. Or, il ne tenait pas à prendre le risque d’un engagement général en raison du rapport des forces. Il se contenta donc de déployer son armée dans une position particulièrement forte, d’où son artillerie battait tout le terrain, et attendit l’attaque de ses adversaires. Le général Murray, pas plus disposé que Suchet à engager une action générale dans des conditions difficiles, battit en retraite sur Alicante. En un sens, cette bataille à l’issue incertaine peut être considérée comme un coup nul. Elle mit toutefois un terme à toute idée d’action offensive par terre au départ d’Alicante.
Au mois de mai, les Anglo-Espagnols concentrèrent des forces à Alicante et rassemblèrent des vaisseaux pour les transporter par mer. Ce fut en vain que Suchet et son état-major tentèrent de découvrir le but de cette expédition. Elle mit à la voile le 31 du mois et le 2 juin mouillait devant Reuss qu’occupait momentanément le général espagnol Copons. Donc, son objectif semblait être Tarragone.
Forte de seize mille hommes, cette armée commandée par Murray en personne commença par attaquer le fort défendant le col de Balaguer pour y poser un verrou, car la route qui y passait était la seule où pouvait circuler l’artillerie d’une armée de secours. Puis, les alliés commencèrent les travaux d’investissement de la ville. Les murailles percées au moment du siège mené par Suchet avaient été réparées et la place était commandée par le général Bertholetti, homme courageux et entreprenant qui ne se contenta pas de s’enfermer dans la ville mais occupa plusieurs ouvrages extérieurs. En vain, Murray, afin de l’impressionner, mit en place à plusieurs reprises des colonnes d’assaut pour faire croire qu’elles allaient tenter d’enlever Tarragone. Mais comme aucune brèche n’avait été ouverte dans le dispositif, Bertholetti attendait d’autant plus tranquillement la suite des événements qu’il connaissait son commandant en chef. Il se doutait bien que celui-ci tenterait de secourir la place. Il ne se trompait pas.
Dès qu’il avait eu connaissance du débarquement britannique, Suchet avait dirigé la division Musnier à marches forcées sur Tortose. En même temps qu’il remontait du sud, il écrivait au général Mathieu, dont le quartier général était à Barcelone, en le priant de descendre du nord pour joindre ses forces
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