Le Maréchal Suchet
s’opposer à une invasion de la France par le sud. Le duc de Dalmatie suggérait ensuite de renvoyer en Espagne le roi légitime, Ferdinand, mettant ainsi fin à la guerre et obligeant par voie de conséquence les Anglais à quitter le pays. Cette proposition par laquelle Soult croyait également jouer un bon tour à Joseph allait au-devant des pensées secrètes de l’empereur.
Aussi un diplomate fut-il envoyé à Valençay où Ferdinand était retenu prisonnier depuis 1808. Tout d’abord, celui-ci accueillit avec méfiance les ouvertures de Napoléon. Puis il finit par accepter de signer le traité qui lui était proposé car il lui rendait son trône en y mettant des conditions dont il pensait qu’une fois à Madrid, il aurait tout le loisir de ne pas les appliquer. Son envoyé, le duc de San Carlos, voyageant incognito, arriva à la fin de décembre au quartier général de Suchet. Il fut suivi à quelques jours par le général Palafox, libéré de Vincennes, et chargé d’une mission identique : faire connaître à la junte de Cadix le retour du roi et le traité de Valençay. Suchet facilita leur traversée des lignes tout en se faisant assez peu d’illusions sur le succès de l’entreprise. Napoléon croyait fermement qu’une fois Ferdinand sur le trône, l’Espagne proclamerait sa neutralité et qu’il pourrait appeler en renfort dans le nord les armées de Soult et de Suchet.
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Sans vouloir s’immiscer dans les combinaisons de l’empereur, Suchet, à la fin de 1813, avait un problème assez délicat à résoudre. Il voulait encore raccourcir son front en reculant jusqu’à Gérone, mais comme il n’entendait pas évacuer Barcelone, cela impliquait qu’il y maintînt une garnison importante, de l’ordre d’une division. Ses troupes tenaient toujours Tortose, Lérida, Mequinenza et Monzon, ce qui gênait considérablement les mouvements de ses adversaires. Au cours d’un entretien qu’il eut avec le duc de San Carlos, il se déclara prêt à remettre ces forteresses au gouvernement de Ferdinand à condition que les garnisons en sortissent libres et rejoignent son armée. Son interlocuteur y souscrivit. Aussi décida-t-il en raison du prochain retour de Ferdinand de différer sa retraite sur Gérone. Mais les événements extérieurs, et en particulier le retrait d’une partie de ses forces, allaient l’obliger à modifier plus tôt qu’il ne l’avait prévu son dispositif.
Barcelone en elle-même constituait un gros morceau et Suchet était certain que le gouverneur qu’il allait nommer, le général Habert, se défendrait avec énergie Ce fut donc sans trop de regrets qu’il quitta la ville, le 17 janvier, après avoir repoussé la veille une tentative de l’armée anglaise de traverser le Llobregat.
À ce moment, Clarke était encore persuadé que les armées d’Aragon et de Catalogne cumulaient quarante et un mille hommes, ce qui était loin d’être le cas. Il demanda donc à Suchet de lui envoyer dix mille hommes sur Lyon afin d’y former le noyau d’une nouvelle armée, ne lui laissant plus dès lors qu’un peu plus de vingt mille soldats alors que ses adversaires en alignaient à présent cinquante mille. Par la même occasion, on lui enleva Harispe, un de ses meilleurs généraux, sous le prétexte qu’étant basque, il serait particulièrement apte à organiser la défense du pays.
Sur ces entrefaites, survint l’affaire Van Halen. C’était un officier espagnol d’origine hollandaise qui avait servi le roi Joseph depuis son arrivée. Affecté en 1813 à l’armée de Suchet, il déserta à la fin de l’année. La chose en soi était de peu d’importance. Mais il mit ses connaissances au service des alliés, en profita en faisant établir de faux documents d’état-major pour essayer d’obtenir l’évacuation d’un certain nombre de places sur « ordre » de Suchet.
L’affaire échoua à Tortose, le gouverneur, le général Robert, ayant trouvé suspects les ordres que, soi-disant, Van Halen lui apportait. Mais, à Lérida, le traître eut plus de chance. Le général Isidore Lamarque qui y commandait accepta d’évacuer la place avec la garnison (15 février) et, une fois en rase campagne, fut capturé avec ses hommes dans les défilés de Martorell. La veille du jour où cette reddition eut lieu, un des colonels de la garnison en route flaira le piège mais Lamarque refusa de partager ses craintes. Par une ruse identique, les Espagnols
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