Le Maréchal Suchet
la ville et sa garnison. Mais le duc d’Albufera avait refusé net d’y participer, prétendant, ce qui n’était pas sans fondement, que les moyens dont il disposait lui permettaient tout juste de se maintenir en Catalogne et qu’il n’avait pas les troupes nécessaires pour prendre part à une action qu’au demeurant il jugeait hasardeuse.
Soult, évidemment, ne le lui pardonna pas et de cette opération, puis d’autres, naquit dans les années qui suivirent une abondante littérature d’articles parus dans la revue Le Spectateur militaire où les partisans de chacun des maréchaux s’invectivaient à qui mieux mieux, trouvant après coup des arguments sans nombres pour justifier ou blâmer leur conduite. Dans cette affaire, Suchet ne manqua pas de raisons pour étayer son comportement ainsi qu’il le fit dans une lettre à Clarke. Mais il n’est pas certain que l’antipathie qui présidait aux rapports des deux maréchaux n’ait pas joué un rôle déterminant.
Suchet ne voulant pas rester sur cet aspect purement négatif eut le temps malgré ses autres sujets de préoccupation d’élaborer un plan qu’il envoya à son ministre. Il proposait d’avancer entre l’Èbre et les Pyrénées avec son armée et surtout cent pièces d’artillerie, allant au-devant de Soult qui déboucherait de Jaca avec son infanterie et sa cavalerie mais sans une seule pièce de canon car cette route leur était impraticable. Puis, leurs forces unies se porteraient contre Wellington. Suchet ne mettait que deux conditions avant d’en commencer l’exécution : qu’on lui laissât le temps de se débarrasser de l’armée de lord Bentinck et qu’on renforçât leurs unités avec des conscrits qui seraient mis en garnison dans les places, libérant ainsi autant de troupes aguerries.
Non seulement Clarke approuva ce plan dont l’originalité n’était pas la moindre des qualités mais Soult lui-même s’y rallia sans arrière-pensée. Seulement, Wellington allait les gagner de vitesse d’autant que très vite les deux maréchaux apprirent qu’il ne leur faudrait pas compter sur les conscrits demandés. Au début d’octobre, les Anglais franchirent la Bidassoa et pénétrèrent en France mettant un terme à toute idée de contre-offensive en Espagne.
Cependant, durant le mois de septembre, de nouvelles opérations s’étaient déroulées en Catalogne. Suchet, après y avoir ramassé et consommé tout le ravitaillement possible, avait évacué la plaine de Villafranca, aussitôt occupée par l’armée anglaise qui avait également pris position au col d’Ordal, se rapprochant dangereusement de Barcelone. Le duc d’Albufera, malgré la médiocrité de ses moyens, entreprit de les en déloger et, au prix de pertes sévères, y parvint le 12 septembre. Il marcha alors sur Villafranca où l’armée anglaise était déployée. Mais, apprenant l’approche de Suchet et de Decaen, lord Bentinck préféra une fois de plus battre en retraite. Suchet regretta que Decaen ait été retardé dans sa marche et qu’ils n’aient pu accrocher l’adversaire. Celui-ci put donc rétrograder en toute tranquillité. Le territoire espagnol détenu par Suchet et Decaen se limitait à présent à un peu plus de la moitié de la Catalogne et, rendues plus hardies par les succès de leurs alliés, les bandes de guérilleros espagnoles leur menaient la vie dure.
Au début de novembre, Decaen fut rappelé en France pour y prendre le commandement de l’armée hollandaise et partit avec le général Mathieu. Suchet avait donc sous ses ordres les deux armées de Catalogne et d’Aragon. Comme une sorte de compensation à ce surcroît de responsabilités, l’empereur le nomma, le 18 novembre, colonel général de la garde impériale à la place de Bessières tué à Lützen, fonction purement représentative.
Apprenant que le 1 er janvier 1814 les alliés avaient franchi le Rhin, Suchet comprit qu’il n’avait plus à espérer aucune aide venant de France. Tout ce à quoi il pouvait s’employer était de sauver son armée et récupérer les garnisons des différentes places car la notion d’offensive était désormais totalement exclue. Depuis la fin du mois de décembre, il savait, du reste, à quoi s’en tenir sur l’avenir des soldats français en Espagne.
L’affaire avait commencé par une lettre de Soult à Napoléon dans laquelle il lui expliquait qu’avec les moyens dont il disposait, il ne pourrait pas
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