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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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appartenait à un autre. Elle l’effleurait de trop près.
    — Lorsque je serai un guerrier, j’irai me battre contre les Anglesches, dit-il à Jehanne un soir, alors qu’ils s’étaient retrouvés dans leur tour.
    Elle enroula sa corde à danser (81) autour de son avant-bras, la plia et en gava la poche de son tablier.
    — Tu ne veux donc plus être un ménestrel ?
    — Si, répondit Sam sans conviction, en laissant tomber au bas du chemin de ronde quelques poignées de vieux foin.
    La fillette tâchait de ne jamais le laisser seul plus d’une heure à la fois. Il avait été décidé que Sam allait dorénavant étriller et bouchonner Tonnerre et le mulet chaque jour. Jehanne prodiguait en outre au garçon des soins qu’elle qualifiait d’essentiels : elle lui avait choisi, dans l’une des dernières portées, un chaton tout blanc si affectueux qu’il s’était mis à lui tourner sans arrêt autour des chevilles dès son adoption. Le garçon devait désormais l’emporter avec lui où qu’il allât. Jehanne s’était ensuite consacrée au nettoyage soigneux de sa cornemuse et avait longuement entretenu Louis au sujet des vertus curatives des bugnes* au miel.
    Mais rien de cela n’avait empêché Sam de nourrir à l’encontre de son tuteur une rancune qu’il savait pourtant imméritée. Le gamin voulait à tout prix se convaincre que tout ce qui lui arrivait était la faute de celui qu’il lui était si facile d’accuser. Cela ne lui donnait que davantage de raisons d’en faire son ennemi.
    Jehanne ramassa le chaton blanc, lui appliqua un baiser sur le museau et le fit disparaître dans sa poche d’où jaillit le bout de sa corde, comme un serpent d’un panier.
    — J’apprendrai à bien me battre. Je saurai faire mieux que ton Baillehache qui est arrivé trop tard.
    — Moi, je trouve que maître Baillehache s’est montré bien preux devant ces méchants hommes.
    Elle ne pouvait s’empêcher de se sentir fière de Louis dont elle avait grande hâte de relater la bravoure à ses copines du village. Seule parmi les fillettes à être fiancée, l’enfant faisait l’envie de ses camarades même si, à cet âge, on ne pouvait avoir qu’une conception assez abstraite de la chose. Ainsi, le métayer était-il devenu en quelques mois le sujet favori de leurs bavardages et le héros inaccessible de leurs petites histoires. Et cela aussi déplaisait à Sam, qui dit :
    — Bien preux, peut-être. Mais il n’a rien pu faire. C’est le père Lionel qui a tout fait. Sans lui, nous serions tous morts.
    — Je n’aimais pas leurs yeux rouges. De plus, ils sentaient très mauvais. Qu’a fait le père Lionel ?
    — Margot m’a dit qu’il a prié très fort.

Chapitre VII
Les Tard-Venus
    Hiscoutine , un an plus tard
    Le messager restait plus longtemps que d’habitude en ce jour d’automne 1361. Il avait arrêté sa monture au bout de l’allée et conversait à voix basse avec l’exécuteur de Caen, à qui il remit une épaisse lettre.
    — Un sauf-conduit pour vous rendre en ville si besoin est. Il en faut trois seulement pour se rendre de Coutances à Valognes.
    — Ça veut dire qu’il en faut un pour aller à Saint-Sauveur-le-Vicomte ?
    — Oui. C’est le deuxième pour cet itinéraire-là. Il est valable pour toute la région qui entoure la forteresse. Mais c’est aussi le plus dispendieux (82) .
    — Ah.
    Louis n’avait pas eu à débourser pour que lui fût délivré un document semblable, nécessaire à ses voyages à Caen, étant donné qu’il était fonctionnaire de justice. Le messager annonça :
    — Je vois que vous vous en êtes tirés à bon compte, ici. Mais prenez garde : ça ne durera pas. Tout le royaume est à feu et à sang. En novembre dernier, Édouard d’Angleterre est venu camper tout près de Paris. Il a fait ses Pâques à Chanteloup et s’est rendu jusqu’à Bourg-la-Reine.
    Toinot, Hubert, le père Lionel et Thierry s’approchèrent discrètement en compagnie de Sam. Les femmes demeurèrent sur le seuil de la maison. Tout le monde était attiré par cet échange qui se prolongeait. Ce n’était pas dans l’habitude des courriers que de discuter aimablement avec un bourreau. Le messager dit encore :
    — Il n’y avait plus un chat depuis la Seine jusqu’à Étampes. Je l’ai vu de mes yeux vu. J’ai appris que tous s’étaient réfugiés aux faubourgs de Saint-Germain, Saint-Marcel et Notre-Dame-des-Champs…
    — Est-ce que… Non,

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