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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Pampelune, à cent cinquante lieues de toute cette misère.
    Thierry remarqua :
    — Et au moment précis où prenait fin la guerre entre la Castille et l’Aragon, qui durait depuis quatre ans. Très bien calculé.
    — On raconte que Pèdre de Castille (84) est seul responsable du trépas de son épouse, Blanche de Bourbon (85)  ; le Seigneur ait son âme en Sa sainte garde.
    — Si cette rumeur s’avère fondée, cela fera de Pèdre le Cruel un ennemi du roi de France. Pauvre princesse exilée ! On la disait belle comme l’aurore et douce comme un cygne.
    — Eh bien, moi, j’irai là-bas et je la vengerai, dit Sam avec ferveur.
    — Commençons par essayer de rester en vie nous-mêmes, dit Louis.
    — Voilà qui est raisonnable, même si cela manque de panache, dit le religieux.
    Le messager poursuivit :
    — En effet. Même si le roi Jean vient de prendre possession de la Bourgogne, cela n’empêche pas plusieurs milliers de brigands et de gens de guerre désœuvrés de se rassembler du côté de Brignais. Et, puisqu’ils arrivent bien après les grandes compagnies de routiers, ils se disent eux-mêmes « Tard-Venus ».
    Divisée en trois camps, navarrais, français et anglais, la Normandie était la première à pâtir de l’engeance que représentaient les routiers. Ils avaient commencé à sévir sur ce territoire bien avant de se mettre à proliférer et à se répandre à travers tout le royaume.
    Le messager dit encore :
    — Ils ont l’air d’attendre Charles de Navarre. Ce qui m’amène à l’autre raison de ma visite.
    — Vous êtes sûr qu’un peu de cidre chaud ne vous tenterait pas ? offrit l’homme d’Église.
    — Sûr et certain. Merci, sans façons. Baillehache, vous avez sans doute constaté qu’il est inutile, dans les conditions actuelles, d’essayer de continuer à cultiver.
    — Oui. Il ne se passe pas une semaine sans que je voie de ces brigands traverser mes terres.
    Margot et Blandine s’entre-regardèrent.
    — « Mes » terres ? dit la jeune femme, tout bas.
    Le courrier reprit :
    — Il y a dans les parages des loudiers* qui sont devenus guetteurs de chemins moyennant petit salaire. Ceux qui ne se sont pas rangés du côté des brigands, il va sans dire. Ils habitent les maisons abandonnées. Il vous est recommandé de prendre cette idée à votre compte et de vous faire gardien des terres qui vous ont été confiées, avant que la famine ne vous contraigne à renoncer à votre office en faisant de vous un hors-la-loi.
    — Et où sont parties les familles de ces paysans ? demanda Hubert.
    — Je n’en sais rien. J’ai ouï dire qu’il y en a qui vivent en forêt, dans des grottes quelquefois, ou encore parmi les roseaux des grands étangs.
    Le moment n’allait pas tarder où les paysans d’Aspremont, las et affamés, allaient déserter le hameau sans demander leur reste. Il fallait trouver une solution, et vite.
    Le messager enfourcha sa monture et tourna bride pour redescendre l’allée bordée d’arbres effilés.
    — Là-dessus, je vous quitte, dit-il.
    — Bonne route, dit Thierry.
    Le cavalier leur envoya la main avant de se retourner pour crier au bénédictin :
    — Oh, j’oubliais : prenez particulièrement garde à vous, mon père. Quantité de moines fuyards ont été capturés dans la forêt par les routiers, qui les ont réduits à la servitude.
    — Merci de me prévenir, mon fils. Je tâcherai de me montrer prudent.
    Imperceptiblement, tandis que la famille regardait le courrier s’en aller, le moine se rapprocha de Louis. Il se sentait désormais incapable de faire preuve une seconde fois du courage qu’il avait démontré devant les routiers qui s’en étaient pris au métayer.
    — Eh bien, que fait-on ? demanda Thierry qui, lui aussi, se rapprochait.
    Louis ne sut que répondre. Il jeta un regard circulaire sur les champs des alentours où attendaient encore des récoltes à demi piétinées. Des aires exposées à tout vent, où même un écureuil n’eût pu passer inaperçu.
    — Il y a un marais pas très loin d’ici. En forêt. Ce serait suffisant pour nous abriter et nous pourrions y emmener les volailles, le mulet et le cheval. Mais…
    — Mais pas les six familles, compléta Lionel.
    — Non. On serait aussi faciles à repérer qu’une compagnie de perdrix.
    Le silence retomba. Et dans ce silence fait de vent trop froid pour la saison, tous avaient l’impression d’entendre une multitude

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