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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’Espagne afin de tenter d’y récolter de nouveaux pouvoirs et d’y semer la pagaille.
    Celui que Charles avait appelé son ami avait ses propres ressources et il n’hésitait aucunement à y recourir : les rois n’ont pas davantage d’amis que les bourreaux. Dès qu’il avait la possibilité de se rendre à Caen, il collectait sa part de taxes, le droit de havage*, avec une insolente impunité. Il mangeait mieux dans sa petite maison rouge que sur ses terres et il parvenait à remplir sa charrette de provisions non périssables, de vin ou de bière, de tissu, de remèdes et de savon. Car il tenait à ce qu’une hygiène rigoureuse fût maintenue à l’intérieur de l’abri.
    Un jour, le père Lionel expliqua aux habitants du souterrain :
    — Les fers et les étoffes, bien plus que les longbows*, sont les armes véritables de la Grande Île. Ils en font commerce mieux que quiconque. Pourtant, on est trop aisément porté à oublier que ce qui a fait primitivement l’Angleterre et la race anglaise, c’est la laine issue de l’élevage. Depuis toujours, les Anglais ont été un peuple pasteur. Ceux que nous voyons aujourd’hui sont le produit de cette grande race d’éleveurs nourrie de chair et de lait. De là leur teint fleuri, leur force tranquille. Par nature, ils sont peu enclins à la guerre. Mais on est parvenu à les convaincre que c’était nécessaire.
    — Nous non plus, nous n’aimons pas la guerre, dit un vieux paysan.
    — C’est vrai, renchérit une jeune fille qui s’était entichée de Jehanne.
    — Je le sais bien. Là est le drame : personne n’aime faire la guerre et, pourtant, il ne se trouve nulle part quelqu’un qui s’en voie épargné. Nous allons donc nous battre nous aussi, dans cet abri, à notre manière. En tenant bon. Et en prêtant secours aux nôtres qui sont dehors, qui risquent sans cesse leur vie pour nous défendre.
    Novembre 1361
    Sam savait imiter à la perfection le cri du gerfaut. Cela devint sa première arme.
    — Récapitulons, dit Louis à l’intention des hommes.
    Huit garçons, dont Sam, s’étaient fièrement regroupés autour de lui. En attendant de subir un premier entraînement aux armes, plus particulièrement au tir à l’arc, ils allaient se scinder en deux groupes dont chacun allait assumer, durant une partie du jour, la fonction de sentinelle. Ils avaient appris divers cris d’alarme à utiliser selon les circonstances. Louis rappela à tous, en suivant son énumération sur ses doigts :
    — Le canard : il en vient du nord, du marais. La perdrix, c’est pour l’ouest. Le gerfaut vient du sud. Les oies, elles arrivent soit du village, soit du domaine, donc de l’est. Les enfants sont postés de façon à couvrir suffisamment de territoire autour de l’abri pour nous donner le temps de nous mettre à couvert.
    Un code fut élaboré pour permettre aux gardiens de savoir à quel type de bande ils allaient avoir affaire. Les courriers venus de Caen avec une assignation pour Louis étaient signalés par un code bien à eux.
    La résistance s’organisait. Les hommes commencèrent par confectionner, sous la supervision de Louis et de Lionel, de petits arcs, des carquois d’écorce et quantité de flèches à pointes durcies au feu. Seules quelques-unes étaient munies de pointes en fer. Louis procura à chacun un couteau ou une serpe et fit fabriquer, par le forgeron du hameau, des espèces de guisarmes* qui avaient une certaine ressemblance avec le godendag* flamand.
    Suivit un entraînement fastidieux qui ne pouvait être dispensé qu’en rotation, et avec au cœur des professeurs qu’étaient Louis, Thierry et Toinot, l’espoir qu’aucun ennemi ne se montrât tant et aussi longtemps qu’au moins six des villageois n’auraient pas appris à viser correctement avec leurs flèches une cible immobile clouée à un arbre.
    Louis travaillait sans relâche et ne s’accordait que trois heures de sommeil par nuit. Il passait le reste du temps à patrouiller à pied ou avec Tonnerre qui avait besoin d’exercice. Il visitait chacun des guetteurs nocturnes au moins deux fois afin de s’assurer qu’aucun d’entre eux ne s’était endormi. Leurs postes étaient plus rapprochés de l’abri que ceux des garçons et, en cas d’alerte, ils devaient hululer, glapir ou hurler comme un loup selon le type de danger.
    Chaque soir, au coucher du soleil, lorsque les garçons rentraient le ventre et la besace vides après leur tour de

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