Le mariage de la licorne
Trésor anglais. C’était d’ailleurs la principale raison de son élargissement.
Il ne trouva rien de mieux à faire que de se rendre un peu partout en prêchant la croisade en Terre sainte, encouragé par le pape Urbain V. Mais les gens étaient trop occupés à combattre les routiers sur le pas de leur porte pour se soucier des palabres stériles des haut placés au sujet de la reconquête d’un lieu lointain. Ils ne risquaient rien, le roi et le pape, bien à l’abri derrière les murs de leurs somptueux châteaux. Les croisés, s’il y en eut, se joignirent plutôt aux compagnies de routiers.
Édouard III, quant à lui, ne parut pas être gagné par cette fièvre de la croisade. Ce roi réaliste avait amplement de quoi s’occuper sans de pareils enfantillages, avec deux guerres sur les bras, celle qu’il menait sur son île contre les Écossais et celle qu’il était en train de gagner à plates coutures contre la France. Pas question de laisser filer le poisson quand il était déjà accroché à son hameçon et qu’il ne lui restait, pour ainsi dire, qu’à glisser l’épuisette dessous afin de le recueillir.
La brève présence du roi de France dans son royaume ne changea rien pour son peuple. Le royal prisonnier repartit bientôt pour sa luxueuse geôle d’Angleterre.
Été 1362
La forêt était très belle en juin. Les jeunes feuilles d’humeur joyeuse bruissaient loin au-dessus de sa tête. Le jeune homme passa tout près d’une crevasse envahie par le lierre au feuillage tendre. Une haleine humide et résineuse montait de la terre. Elle lui cacha celle de la crevasse qu’il ne remarqua pas. Presque tous les sentiers s’étaient asséchés. Il faisait bon y marcher, même en solitaire. Les premiers jours d’été et la victoire encore toute fraîche lui montaient à la tête comme de l’hydromel. La partie était gagnée et il rentrait enfin chez lui.
Il y eut un claquement et quelque chose siffla. Juin battit soudain en retraite pour céder la place à une morsure pire que celle de l’hiver : c’était celle de la douleur et de l’effroi. Une flèche lui épinglait le bras à un arbre. Il y porta une main tremblante, mais il n’eut pas le temps de l’arracher. Un cavalier noir trottait tranquillement dans sa direction, tenant encore son arc.
Louis mit pied à terre et s’avança sans quitter le jeune homme des yeux. De sa main libre, celui-ci dégaina son coutelas et le pointa vers lui. Louis s’arrêta, hors d’atteinte.
— Va-t’en. Du vent, gros corbeau, ou je te crève le gésier, dit le jeunot effrayé par le son de sa propre voix.
Le géant dégaina à son tour sa dague et l’éleva au-dessus de sa tête en la tenant par la lame. Il s’apprêtait à la lancer. Il ordonna :
— Jette ça.
Le jeune homme n’eut d’autre choix que de laisser tomber son arme à ses pieds et entreprit de tirer sur la hampe de la flèche qui le maintenait captif.
— N’y touche pas, dit Louis en s’approchant.
Il se pencha pour ramasser le coutelas et se releva en vitesse, assenant un coup de poing au visage du jeune homme qui venait d’essayer de le frapper du pied. La secousse répandit une douleur fulgurante dans son bras dont les chairs furent entamées plus profondément par la pointe de la flèche. À demi assommé, le malheureux lutta pour recouvrer son équilibre. Louis l’y aida en l’empoignant par ses vêtements et l’adossa plus fermement contre l’arbre. Il demanda :
— Qui es-tu et que viens-tu faire ici ?
— Rien. Je ne faisais que passer. Et d’abord, toi, tu es qui pour te permettre d’agresser ainsi un honnête voyageur ?
— Peu t’importe mon nom. Mais sache que tu traverses des terres qui sont sous ma garde.
— Ma doué, cela vous sied plutôt bien de veiller sur les terres des autres.
Louis nota le voussoiement subit, de même que l’expression. Il demanda :
— Tu es breton…
— Dieu me préserve d’être autre chose.
— … et seul. Que d’inconscience.
— Comment ?
— Qu’es-tu venu faire ici ?
— Mais vous êtes dur de la feuille ou quoi ? Je viens de vous dire que je rentrais chez moi.
— Non. Tu ne m’en as rien dit. Pourquoi avoir fait pareil détour ? Le jeune homme ne répondit pas.
— Pourquoi ? redemanda Louis, qui empoigna la hampe de la flèche et lui imprima un affreux mouvement circulaire.
Les hurlements du blessé firent taire tous les oiseaux du voisinage. Le bourreau le
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