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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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fientes et de crottes de petits animaux.
    — Il y a un nid de souris là-dedans, dit Sam en se penchant au-dessus d’un coffre ouvert, bien sûr entièrement vidé de son contenu.
    — Sainte Mère de Dieu, on va avoir de l’ouvrage, dit Margot en retroussant ses manches pour exposer des avant-bras qui avaient considérablement aminci ces derniers mois. Mais faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Ce soir, nous dormirons enfin chez nous, entre les quatre murs solides de notre bonne vieille demeure.
    En compagnie de Jehanne et de Sam, Louis, la main serrée sur le pommeau de sa canne, explora chacune des pièces. « Si le manoir est en aussi piètre état, que va-t-il en être du moulin ? » songeait-il.
    — Maître, là ! Mon livre ! Regardez ce qu’il y a dessus, s’exclama Jehanne, affolée.
    Un gros rat, tout occupé à grignoter un coin de l’imagier de Jehanne, s’en alla vers une fissure dans le mur en protestant contre leur intrusion. Sans y penser, Louis s’avança et l’assomma d’un coup de canne. Jehanne poussa un cri horrifié et sortit de la chambre en courant.
    — Hum… désolé, c’est l’habitude, dit Louis, qui revint ramasser le livre afin de constater l’ampleur des dégâts.
    — L’habitude ?
    Les lèvres de Sam se retroussaient avec dégoût. Louis s’expliqua :
    — Quand j’étais gamin, je tuais les rats pour ne pas qu’ils s’en prennent à la farine. J’en tuais en ville aussi. Ils m’ont toujours écœuré.
    — Moi aussi.
    Ils prirent la direction de la chambre de Lionel. Le moine s’y trouvait déjà. Et il était cerné par des rats dont il n’avait nul souci, pas plus qu’eux n’avaient souci de lui. Il y avait des livres partout. Certains étaient demeurés ouverts. Déchirés, piétines par des heuses crottées. De vénérables reliures étaient cassées comme si quelqu’un avait lancé ces précieux volumes à travers la pièce. On avait visiblement utilisé quantité de superbes pages enluminées comme serviettes de table. Le bénédictin les ramassait un à un, amoureusement.
    — Dieu fasse que ces gens ne connaissent pas la valeur de ce qu’ils ont profané, dit-il tristement.
    Louis avait entrepris de débarrasser le moine de ses hôtes indésirables. Il s’arrêta brusquement et avisa Sam, à qui il tendit sa canne.
    — Tiens, continue. J’ai à faire.
    — Oh, merde.
    Le soir tombait déjà. L’air bleuté se peuplait du chant perlé des rainettes. Il montait d’une mare qui se trouvait pas très loin de la maison et il n’avait pas encore été remplacé par l’appel lugubre des loups en forêt. Cette première journée grisante, entièrement passée à la lumière du jour, avait paru trop courte à tout le monde, même si on était en juin. Mais les habitants du manoir eurent largement de quoi compenser ce petit désagrément : Louis s’accroupit devant l’âtre, et ils purent redécouvrir avec délices le crissement du fusil battant la pierre à feu, ainsi que l’odeur de l’amadou prêt à s’embraser. Ces menus détails pourtant si familiers leur étaient devenus quelque chose d’infiniment réconfortant et précieux. Toutefois, Margot remarqua :
    — Nous avons perdu l’habitude d’entendre les bruits de la surface. Il me semble qu’il y en a trop. Écoutez-moi chanter les grenouilles. Il paraît que c’est un son maléfique. Je ne fermerai pas l’œil de la nuit.
    — Maléfiques ou pas, c’est grâce à elles que nous pourrons souper ce soir, dit Louis.
    Il prit un grand sac et une ligne à pêche avant de sortir.
    *
    Hiscoutine, automne 1362
    Une petite partie de la futaie avait, depuis le printemps, pris un drôle d’aspect derrière un bosquet d’arbres demeurés intacts : en avril, les feuilles n’avaient pas repoussé. Le soleil avait atteint la terre raboteuse et on put mettre en culture le sol forestier sans avoir à essoucher. Cela allait permettre aux habitants du domaine de conserver intact un petit champ de blé qui allait échapper à l’attention des pilleurs, s’il en venait encore. Il s’agissait avant tout d’une mesure de précaution. L’hiver précédent, au cours de ses patrouilles, Louis avait sélectionné l’endroit et arraché de chacun des troncs plusieurs pieds d’écorce. À présent, cette espèce de clairière avait l’air fantomatique, vaguement inquiétante.
    — Si au moins c’était une fable. Je pourrais l’intituler Le Massacre des hamadryades*, dit

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