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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Sam en posant tristement la main sur un arbre silencieux.
    — Préfères-tu te voir crever, toi, plutôt qu’eux ? demanda Louis. Le métayer et ses gens achevaient de briser les mottes de terre dure à la bêche afin de permettre à la charrue d’ameublir le sol plus facilement. Le garçon répondit :
    — Non, mais je n’aime pas voir maltraiter les arbres, même si c’est nécessaire. Parfois, j’aimerais être un arbre. Même morts, ils restent beaux.
    — Vaniteux.
    — À ce que je vois, vous n’avez rien compris de ce que j’ai voulu dire.
    — Non et je m’en moque. Remets-toi au travail au lieu de rêvasser. Les bons sentiments, ce n’est pas ça qui va mettre du pain sur la table.
    Les autres ne disaient rien. Ils savaient qu’il valait mieux ne jamais intervenir lorsque Louis discutait avec son pupille.
    Les deux bœufs étant morts et tout ce qui eût pu servir de bête de trait ayant été volé, il ne restait plus que Tonnerre pour aider aux travaux des champs. Cela avait commencé par poser problème. Passer le joug au destrier l’eût étouffé. Le grand cheval n’était pas fait pour ce genre d’ouvrage. À la grande surprise de tous, mais surtout de Louis, Sam conçut un collier qui prenait appui sur les épaules du cheval et dégageait l’encolure ainsi que l’articulation du garrot, qui était directement liée au mouvement des pattes antérieures. C’était d’une simplicité si ingénieuse que, ce soir-là, le garçon d’écurie eut droit à une double ration de fromage blanc et à un semblant de sourire de la part de son tuteur. Le cheval de guerre fut le seul à ne pas apprécier l’invention. Il finit quand même par tolérer le collier puisque Louis le lui demandait. Cependant, nul autre que lui ne fut jamais capable de le guider dans les sillons.
    Après la maison et le village, ce fut au tour du moulin d’être remis en état dès que les semailles tardives furent complétées. Louis trouva même le temps de commencer à bâtir le four à pain. Par l’effet de quelque miracle, le tas de briques n’avait pour ainsi dire pas été dérangé. S’ils en retrouvèrent quand même quelques-unes cassées, cela semblait davantage l’œuvre de rôdeurs à quatre pattes que celle de vandales humains. Le père Lionel avait vu là un signe de la Providence et, pour une fois, Louis fut d’accord avec lui.
    Ils travaillèrent d’arrache-pied tout au long de cette année-là et de celle qui suivit. Louis s’absentait de plus en plus souvent aux champs, au village ou à Caen.
    *
    Lorsque vint l’automne 1363, un courrier arriva de Caen pour annoncer à Louis le trépas de Philippe de Navarre, le frère du roi Charles. Ce prince qui avait mené une existence de routier avait pris froid et en était mort le mardi 29 août. Ses obsèques avaient déjà eu lieu et Louis ne reçut aucune nouvelle du roi. Cela n’avait désormais plus aucune importance. Il y avait abondance de travail à la ferme, et les routiers étaient partis. Ça, au moins, c’était quelque chose de concret. Les tribulations de la Cour lointaine s’étaient depuis longtemps estompées pour lui.
    Le domaine était enfin redevenu un endroit « juste assez bien entretenu pour permettre à la vie de bien vivre », comme l’exprimait joliment le père Lionel. C’était presque devenu une ferme fortifiée. Un ruban transparent et bleuté montait de la cheminée en s’évasant. Il parfumait déjà l’air de ses sécurisantes promesses hivernales. Des andains* irréguliers séchaient par-dessus les racines des arbres. Une partie de la terre était dévolue à une variété de cultures potagères que le père Lionel désignait fort savamment sous le vocable de companagium*. Il s’agissait de légumes, entre autres de petites carottes jaunâtres et tordues, mais aussi d’épinards et d’asperges auxquels les habitants durent progressivement s’accoutumer puisque Louis les appréciait. Il y avait aussi des fruits et des légumineuses de conservation : pois, fèves, vesces, féveroles et lentilles. Les olives de Méditerranée devaient être achetées au marché, mais Louis tentait l’expérience avec d’autres oléagineux dont certains allaient un jour abonder de nouveau à la ferme : pavot, navette, cameline, colza, chènevis et œillette à broyer afin d’en extraire l’huile, et aussi du lin. Car il voulait s’essayer à quelques cultures qui allaient fournir des produits textiles : en plus

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