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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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me dire, maître ?
    Il l’attira à lui et lui serra la nuque, caressant du bout des doigts les petits frisons qui y moussaient et refusaient toujours de se soumettre au nattage. C’était une caresse que Jehanne appréciait de plus en plus. Elle appuya la tête contre la poitrine de son fiancé. Elle se laissa envahir par sa chaleur, et son nez folâtra instinctivement contre le drap rude de son floternel*. La voix basse, sans aucune altération, lui murmura à l’oreille :
    — J’ai mes raisons de ne pas vous emmener en ville avec moi. C’est assez difficile à expliquer.
    Jehanne s’inquiéta :
    — Ces raisons sont-elles donc si pénibles ?
    Il fit un vague signe que oui, mais marqua un temps avant de l’éloigner de lui en la tenant par les bras, afin de mieux la regarder. Il pensa : « Qu’est-ce qui ne va pas ? Je n’arrive plus à la suivre. »
    — Vous me faites mal, maître. Vos mains… on dirait les serres d’un faucon.
    Il la lâcha et disciplina ses mains en les abaissant le long de son corps. Son attitude en devint martiale.
    — Excusez-moi, dit-il.
    — Ce n’est rien. Mais qu’y a-t-il, maître ? Vous commencez à me faire peur.
    La voix de Louis, sans être véhémente, se fit tout à coup plus caustique :
    — Il n’y a rien. Je voulais vous inviter à prendre dorénavant vos distances avec votre ami Aitken. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il me défie ouvertement.
    — Oh, mais…
    — L’influence qu’il a sur vous est mauvaise. Soyez sur vos gardes.

Troisième partie
1364-1366

Chapitre X
Per obitum
    (Par la mort)
    Caen, 3 octobre 1364
    Ceinturé par son muret de pierres où s’entremêlaient des groseilliers, le jardinet de Louis prospérait. Les plantes qui y poussaient ne requéraient pas un entretien constant, car malgré ses séjours prolongés en ville, Louis avait fort peu de temps à lui consacrer. Il venait de passer deux jours à arpenter les rues de la ville avec sa charrette pour nettoyer. Il restait encore beaucoup à faire, mais cela allait devoir être remis à plus tard. On l’attendait au château et il devait aller au bain avant de s’y rendre.
    Une grosse corneille vint se percher sur une branche et inclina la tête pour l’observer attentivement. Il se pencha et cueillit une feuille de basilic tendre qu’il essuya sur ses vêtements avant de la rouler pour la manger. C’était bon. À en faire semblant d’oublier pourquoi il se trouvait là.
    Louis ne s’était pas interrogé longtemps sur la raison qui avait motivé les autorités à déménager la noble prisonnière à Caen plutôt qu’à Paris ou même à Reims. Il s’agissait de toute évidence d’une idée du gouverneur Friquet de Fricamp, qui avait vu là une excellente occasion pour lui d’entrer dans les bonnes grâces du nouveau roi par une action concrète. Mais lui, Baillehache, allait se voir obligé de mettre à mort une femme qui l’avait aimé.
    — Je n’aurai pas besoin d’assistants, dit Louis aux fonctionnaires qui l’avaient accompagné dans la voûte sombre abritant les cachots.
    Il y avait le juge, le greffier et un médecin. Devant ces témoins soupçonneux qui s’assemblèrent autour de lui et de l’homme qu’on était allé chercher, il monta son nouveau chevalet*. Seul, il actionna le levier de contrôle qui mettait en branle un cylindre central muni à chaque extrémité d’un encliquetage à rochet. Avec les effrayants « clic-clic » qu’il produisait à chaque mouvement du levier, le mécanisme maintint de lui-même la tension des cordes. Philippe d’Asnières fut soulevé de terre par ses membres et demeura miraculeusement suspendu alors que Louis n’avait même plus besoin de tenir le levier.
    — C’est une machine diabolique, murmura l’un des témoins.
    Ce à quoi un autre répliqua :
    — Ce n’est pas qu’on manque de main-d’œuvre compétente pour mener à bien ce genre de besogne ingrate, mais avec le complot de haute trahison dont on accuse ce jeune chevalier, je vois là une précaution vitale. C’est très néfaste pour l’image de la Cour. Moins il y aura d’oreilles pour entendre les aveux de ce misérable, mieux cela vaudra pour tout le monde.
    — Procédez, dit le juge au bourreau.
    Louis abaissa les yeux sur l’homme qui haletait et lui dit :
    — Comme vous le voyez, messire, j’ai les deux mains libres. Il serait prudent que vous ne me contraigniez pas à en faire usage. Qu’avez-vous à

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