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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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longue amitié et y avait incubé, la faisant lentement changer de nature. Eux qui se connaissaient depuis toujours eurent l’impression qu’ils se voyaient réellement pour la première fois. Soudain, le visage du garçon s’assombrit.
    — On dirait que tout le monde est sur les dents, aujourd’hui, remarqua Jehanne.
    — C’est la faute à Baillehache.
    — Ah, tu crois ? Je me demande ce qu’il a bien pu leur dire.
    — Moi, je m’en doute.
    — Sam, pourquoi ne l’aimes-tu pas ?
    — Je ne l’aime pas, c’est tout. C’est un coupe-gorge. Il a l’âme tordue.
    — Tu dis cela à cause de son apparence.
    — Rien à voir. Toinot a aussi l’air d’une brute et je m’entends bien avec lui.
    — Ce n’est pas la même chose.
    — Si, c’est la même chose.
    — Non, ça ne l’est pas : je ne me marierai pas avec Toinot, Sam. Le garçon empoigna rageusement sa chemise trempée qu’il avait roulée en boule et la fit tomber parmi les chats querelleurs. Cette distraction leur fit baisser le ton.
    — Sam.
    Jehanne lui mit la main sur le bras. Il fut tenté d’éloigner cette main, d’interdire toute caresse jusqu’à ce qu’elle prît vraiment conscience de son amour et de ce qu’elle risquait de perdre.
    — Sam, je sais que c’est difficile. Crois-tu que ça ne l’est pas pour moi aussi, rébarbatif comme il est ? Il ne sait même pas qu’il a besoin d’être aimé.
    L’adolescent ferma les yeux très fort, pour en défendre l’accès aux larmes. Il dit :
    — On est peut-être plus heureux comme ça.
    Il soupira.
    — Je te perdrai bientôt. C’est lui qui t’aura et il ne sait même pas sa chance.
    Il devenait insupportable de voir le corps de la jeune fille qui se modelait pour un autre homme, pour cet étranger qui probablement n’allait pas s’en montrer digne.
    Jehanne devint elle aussi songeuse. La perspective de son mariage qui se rapprochait lui faisait de plus en plus peur.
    — Dire que j’ai longtemps cru que nous avions tout le temps du monde, fit-elle. C’était si loin dans l’avenir. Et me voici majeure. Maître Baillehache n’en parle jamais. Ni de cela ni d’autre chose, d’ailleurs. Je ne sais pas. On dirait que cela le gêne de parler.
    — S’il pouvait se taire jusqu’au Jugement dernier, moi, ça me plairait bien. Il n’a jamais rien d’agréable à dire de toute façon. S’il te plaît, ne me parle pas de lui. J’ai envie de vomir rien qu’à l’idée que tu devras un jour partager son lit.
    — Oh, Sam, si tu savais comme je crains ce moment ! Non que je le trouve dégoûtant, mais…
    — Il l’est.
    — Non, il ne l’est pas. Ce n’est pas ça. C’est juste que j’ai peur de… du moment où il faudra que je me donne à lui. Il paraît que c’est douloureux.
    — Ouais.
    Il se frotta l’avant-bras sur lequel un gros bleu élançait.
    — Moi, je ne te ferais pas mal, Jehanne.
    Sam se tourna vers elle et l’enlaça doucement, en insistant :
    — Tu sais cela, n’est-ce pas ?
    — Oui…
    Jehanne se nicha contre lui. Elle sentit les mains de Sam lui explorer timidement le dos et les flancs, puis descendre un peu le long de ses cuisses. Ils s’embrassèrent. Soudain, Jehanne le repoussa.
    — Non, Sam. Je ne peux pas.
    La mine renfrognée, Sam recula un peu trop. Il croisa les bras. Jehanne dit, en soupirant :
    — J’ai peur, mais je l’aime, lui aussi. Demain, il part en ville. J’ignore pour combien de temps. Il me manquera.
    — Tu n’as qu’à y aller avec lui.
    — Je le lui ai déjà demandé. Il ne veut jamais.
    — Ça ne m’étonne pas. Est-ce que ton gros corbeau t’a dit au moins une fois qu’il t’aimait ?
    — Tu te doutes bien que non. Ce n’est pas du tout son genre. Mais il n’a pas besoin de dire cela, Sam. Je n’ai pas besoin de l’entendre non plus. Je veux seulement le vivre.
    — Bon. Il vaut mieux qu’on rentre, dit-il en se levant.
    La mort dans l’âme, Jehanne fit de même et s’en alla à la porte. Soudain, Sam l’arrêta. Il sortit quelque chose de sa poche et prit la main de la jeune fille. Autour de son annulaire, il enroula ce qui était peut-être l’un des copeaux égarés d’Aedan.
    Jehanne sursauta et cacha ses mains sous la table, car le copeau était resté accroché autour de son doigt. Louis avait le don d’entrer quelque part sans faire de bruit et de vous prendre à revers.
    — Eh bien, qu’est-ce à dire ? demanda-t-il en prenant

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