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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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de son épée avec une pierre à aiguiser trempée dans l’eau. Il se mit à passer la pierre à angles aigus et répétés tout le long de la lame, des deux côtés. Les hommes devenus muets étaient incapables d’en détacher leur regard. Cette épée était à la fois une chose maudite et sacrée. Plus longue que le bras de son propriétaire, plus lourde et plus large qu’une épée normale, elle n’en était pas moins parfaitement équilibrée ; c’était en partie dû à son manche, que Louis entretenait méticuleusement à l’aide de bandes de cuir brut, et aussi grâce à son pommeau sans ornement qui avait la taille d’une pomme. Même s’il s’agissait d’une arme offensive complète, Louis prit soin d’examiner plus minutieusement, à l’aide de son pouce, le fil en un endroit précis qui se trouvait à une longueur de main de la pointe. C’était là que se trouvait la zone meurtrière, cette partie qui était responsable de la mise à mort. Elle était à peine plus large que le cou d’une personne. C’était ce petit espace qui, à lui seul, allait exiger de sa part toute son attention et sa dextérité. Contrairement à Garin de Beaumont avec sa gente Dame, Louis n’avait pas nommé son arme. Il trouvait cela inapproprié. Mais il avait manifestement développé avec elle un certain type d’intimité. Ils dépendaient l’un de l’autre pour que l’inévitable issue fût correctement expédiée. Même sans nom, il semblait bien que cette terrible épée possédait une identité propre, après en avoir réclamé tant d’autres.
    Une fois qu’il eut bien huilé sa lame, Louis se leva pour la brandir au-dessus de sa tête et autour de lui, sentant son poids exercer une traction familière sur les muscles de ses épaules. Cela eut le don de faire reculer les curieux. Il écarta légèrement les jambes, étudia sa posture, la corrigea, mesura son élan avant d’effectuer le mouvement de frappe brusque, décochant le coup fatal qui était devenu sa spécialité dans l’art complexe du maniement de l’épée.
    — Maître, la dame d’Harcourt est prête à vous recevoir, vint lui dire un page blême qui avait passé cinq bonnes minutes à l’observer depuis la venelle en se demandant s’il ne valait pas mieux risquer le tout pour le tout et simplement oublier de délivrer le message.
    Isabeau d’Harcourt était hébergée de façon convenable dans l’une des chambres spacieuses et munies de toutes les commodités que l’on réservait aux gens de condition. Un bon souper avait même été prévu pour elle et son hôte. Elle arpentait la pièce avec nervosité, regrettant l’audace de sa démarche. Que pouvait-elle bien en attendre ? Il ne pouvait en sortir rien de bon. Dans son désespoir, allait-elle quand même chercher à le soudoyer ou à le fléchir ? C’était peine perdue et elle le savait. Elle savait aussi que c’était ce à quoi il devait être en train de penser en ce moment même. Baillehache avait toujours su se montrer inflexible. Lui, il n’avait jamais rien promis à personne. Qu’avait-elle donc pensé ? Toute une nuit avec quelqu’un que sa conscience professionnelle allait obliger à garder ses distances. Il ne l’aimait pas. Il ne l’avait jamais aimée. Cette entrevue était sans espoir.
    Le geôlier déverrouilla la porte et l’entrouvrit pour annoncer :
    — L’exécuteur est là, dame.
    — Bien. Alors… Faites… faites-le entrer.
    Isabeau lissa les plis de sa robe de camocas* et trouva tout de suite cela ridicule. Elle croisa donc les mains devant elle et attendit.
    L’homme en noir dut baisser la tête pour entrer dans la geôle. Il s’avança, plus terrifiant que dans son souvenir. Il s’inclina poliment et attendit, ne sachant trop quoi faire. Il ne se présentait habituellement à des condamnés qu’à l’heure de l’exécution. Il était là pour faire son travail, rien d’autre. Les rencontres avec ses clients étaient brèves, formelles ; ils pouvaient être gênés, méfiants, en pleurs ou agressifs ; lui, il était toujours poli. Apaisant, s’il le pouvait. Les rares fois où l’on avait essayé de faire autrement ne valaient guère la peine d’être mentionnées. Cela avait toujours donné le même résultat : il leur était rapidement présenté, ce qui donnait lieu à l’inévitable terreur mêlée d’embarras, et le tout se clôturait par un congé plus rapide encore.
    — C’est… merci d’être venu,

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