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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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dire ?
    Philippe d’Asnières n’avait rien à dire. Il déclara qu’il ignorait de quoi il était accusé, pourquoi sa tante condamnée avait parlé de lui et de qui elle avait été la complice.
    — Vous mentez, dit Louis en actionnant le levier.
    L’affreux clic-clic s’éleva dans la salle humide en même temps qu’une plainte étouffée. Louis dit :
    — Votre tante a avoué vous avoir jadis encouragé à commettre cet attentat. De plus, la cour a reçu la déposition de quatre personnes qui affirment vous avoir vu brandir une dague en direction du roi pendant la procession, le jour de son couronnement.
    — C’est complètement faux !
    — Cette dague-ci.
    Louis prit une arme qu’il lui montra. D’Asnières cilla.
    — Elle m’est tombée des mains. Je l’ai échappée. Vous comprenez, j’étais en équilibre précaire sur le toit d’une maison.
    Le bourreau reposa la dague et tourna la tête vers l’un des magistrats, qui lui fit signe de continuer.
    S’ils avaient été complètement sourds, et s’ils avaient pu voir seulement son visage, les fonctionnaires eussent pu croire que Louis se penchait au-dessus d’un minutieux travail d’enluminure dont Philippe d’Asnières, véritable livre humain, allait être le réceptacle. Cessant de repousser la mèche qui lui barrait le front, l’air absorbé et pinçant ses lèvres minces, il se mit au travail. Avec des tenailles portées au rouge dans un brasero*, il entreprit de pincer les mamelons, les bras et les cuisses de l’accusé, lui arrachant un à un des lambeaux de chair qu’il laissait tomber et grésiller sur les braises, devant lui. Il versa dans les brûlures un mélange d’huile et de résine bouillante mêlées à du soufre et de la poix.
    Trois quarts d’heure plus tard, les fonctionnaires quittèrent la salle, les jambes flageolantes et la tête encore pleine de cris pires qu’avaient dû l’être ceux des suppliciés du taureau d’airain*.
    D’Asnières était passé aux aveux. C’était Robert le Coq qui les avait persuadés, sa tante et lui, que c’était la chose à faire. Le même Robert le Coq qui, huit ans plus tôt, à Rouen, avait convaincu Charles V que son père avait comploté contre lui. C’était aussi lui qui avait fait circuler nombre de médisances à l’encontre de Charles de La Cerda et qui avait encouragé Etienne Marcel dans sa rébellion. Cet homme couvert d’honneurs avait flairé sa déchéance et était arrivé à s’échapper en prenant soin de laisser d’autres infortunés derrière lui qui allaient devoir rendre des comptes à sa place.
    Louis put rentrer à sa petite maison rouge. Le soir même, un courrier du gouverneur vint l’y trouver pour laisser tomber à ses pieds, par la grille fermant l’accès à sa cour, une sommation modifiée dont il lui signala verbalement tous les détails sans se donner la peine de descendre de cheval. La lettre annonçait que le verdict avait déjà été rendu contre le jeune chevalier, et la sentence, annoncée. Le bourreau remarqua des mots griffonnés en hâte au bas du document officiel, lequel était rédigé d’une écriture soignée :
    « Retentum – Friquet de Fricamp. »
    Le messager expliqua qu’à cause de la gravité de son crime on avait privé Philippe d’Asnières d’une mort noble. Son supplice allait devoir être long et infamant. On ne lui avait accordé qu’une ultime faveur, celle du miséricordieux coup de grâce visant à abréger ses souffrances.
    — Ce n’est pas tout. J’ai aussi de quoi vous réjouir, dit le courrier avec un sourire en coin.
    Louis replia la lettre et l’empocha. Le messager dit :
    — La dame d’Harcourt a exprimé comme ultime désir la permission de passer sa dernière nuit en compagnie de son exécuteur.
    S’il n’avait connu la réputation de Baillehache, l’homme eût pu s’attendre à avoir l’occasion d’échanger quelques bonnes grivoiseries avec le destinataire de cette plaisante nouvelle. Mais l’absence quasi totale de réaction de la part du bourreau ne le surprit aucunement. Avec un sourire en coin, il ajouta :
    — Laissez-moi vous dire que cela a causé tout un émoi au château. Vous comprenez, une requête comme cela, c’est du jamais-vu. On a dû s’en référer en vitesse au gouverneur. Il a donné son accord. C’est dûment consigné là, sur le second feuillet.
    — Et puis quoi, encore ?
    Avec la journée qui s’annonçait, Louis ne souhaitait

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